Vous avez peut-être aperçu une de ces publicités de l’université McGill dans le métro ou dans les journaux. Elles remplacent les précédentes qui avait simplement l’intitulé «Justement vous l’aviez en tête » avec un programme universitaire l’accompagnant.
À première vue, on pourrait penser qu’elles sont plaisantes, voire drôle. Malheureusement, la série de publicité sont loin d’être une simple blague pour accrocher un lecteur potentiel. Elle trahit un sentiment amère beaucoup plus profond.
La première publicité, celle pour le programme de finance compare l’investissement dans une action à l’investissement dans une programme d’étude.
La seconde, moins pire, pour les programmes de langue, tente d’exprimer qu’on pourra avoir un travail avec un programme en langue en jouant sur le fait que l’étudiant fera «rimer» ces deux mots (étant en langue, il sera capable de style). Celle-là nous pose un peu moins problème bien que la rime reste pauvre (gʀamɛʀ / kaʀjɛʀ).
La troisième, pour les programmes de marketing, réduit le programme à une «marque» (notez le double sens) qui donne une certaine distinction semblablement à une pièce de vêtement cher.
Toutes les trois peuvent effectivement être prises comme des blagues sur les perceptions du programme : les finances investissent, le grand public se pose toujours la question des perspectives d’emploi pour les langues et le marketing vend des produits de marque.
Or, après réflexion, il semble qu’on veut plutôt associer un baccalauréat à un investissement privé (c’était d’ailleurs le discours de Line Beauchamp où on «investissait pour un avenir») qui en vaudrait la peine puisque les bénéfices tirés seront meilleurs que ceux investis. Notons d’ailleurs, et cela est important à notre avis, que ce programme de finance de McGill est celui, où, pour la maîtrise il faut payer plus de 35 000$ par année1.
Rimer carrière et grammaire nous semble assez correct, mais là encore, on valorise un programme pour son emploi après coup (nous laisserons passer, ce n’est pas notre propos ici) et non pas pour son amour de la langue.
Finalement, la publicité du marketing renvoie à une vision élitiste marchande (et non pas élitiste universitaire) avec l’emploi des termes «offrez-vous» comme si le programme était un vulgaire café. Il n’y a pas d’offrande de la part d’un enseignant à un élève, mais plutôt un étudiant qui «s’offre» un programme comme si c’était lui qui se donnait un cadeau à lui-même, ainsi qu’un bijou. Il y a là une certaine forme de dévaluation de l’enseignement universitaire.
Ces publicités, qui à la base ont pour but de vendre un produit, poussent trop loin la barrière de la marchandisation de l’éducation. D’abord de par leur existence même : on y vend l’éducation ainsi qu’un autre produit, et les publicités côtoyant celles d’Algorithme Pharma et de Guru dans le métro ou le journal, mais aussi par l’effet de banalisation qu’elles injectent dans ses lecteurs. Il est normal de se moquer de tel ou tel programme universitaire et d’oser la comparaison avec une action ou une marque.
McGill semble manquer de jugement quant à la manière de valoriser ses programmes, plutôt que de vanter des attributs concrets des programmes (professeurs, chercheurs, recherches; ou encore sa diversité, ses débouchés, sa reconnaissance internationale, ses grands projets, etc.), elle se contente de vendre ses programmes de manière banale et détachée. Les experts en marketing de McGill participent ainsi, de plein pied, à la marchandisation de l’éducation et à renforcer cette pensée comme quoi les études sont un investissement qui se doit d’être rentable pour l’individu.