De 1920 à 2018, 1060 doctorats honoris causa (dhc) ont été remis par l’Université de Montréal à des personnalités de tous les milieux. En constatant une «relative» absence des femmes en 2013 (2 femmes en ont reçu un par rapport à 10 hommes), j’ai décidé d’approfondir la question et de voir si il y avait vraiment une discrimination dans l’attribution des diplômes. Ce quatrième billet sur la question est une mise à jour annuel du premier billet.
Note sur 2018
La recherche cette année fut légèrement plus complexe que les années précédentes puisque le site Internet n’est plus vraiment à jour (les récipiendaires de 2017 ne sont même pas encore tous là!), tous les dhc ne sont pas référencés au même endroit dans les nouvelles de l’UdeM contrairement aux années précédentes où tous les dhc étaient regroupés par session (donc deux articles) plutôt qu’aujourd’hui où, des fois, ils sont groupés ensemble, des fois non et d’autres fois, ils sont répétés dans plusieurs articles.
Résultats
Voici donc les résultats auxquels je suis arrivé. Des 1060 dhc remis, 945 ont été attribué à des hommes et 115 à des femmes. Au cours des 10 dernières années, 127 dhc ont été remis: 94 à des hommes, 33 à des femmes.
Pour remettre ça en perspective, depuis 1920, il y a une moyenne de 9,5 dhc de remis à des hommes par année et 1,2 dhc/année remis à des femmes. Bref, 10,8% de tous les dhc! Par rapport à l’année dernière, la moyenne totale des diplômes décernée aux femmes a augmenté de 0,2%!
Au cours des 10 dernières années, cela monte à 9,4 pour les hommes et 3,3 pour les femmes. Il s’agit là de 26% de tous les dhc. Encore par rapport à l’année dernière, cette moyenne a augmenté de 2,4% pour les femmes.
La médiane depuis 1920 est toujours de 8 pour les hommes et 1 pour les femmes. Au cours des 10 dernières années, elle est de l’ordre de 9,5 pour les hommes et 3 pour les femmes. Ces médianes restent inchangées depuis 1920, mais a diminué de 0,5 pour les hommes par rapport à l’année dernière de nouveau dû au faible nombre de doctorat honoris causa décernés cette année (tendance de plus en plus remarquée sous le rectorat de Guy Breton).
2018
Cette année fut la première année paritaire depuis 1983!
Quatre femmes (Julie Payette, Françoise David, Diana L. Eck et Michèle Audette) et quatre hommes (Louis Audet, Pierre Boucher, Jean Rochon et Marc Lalonde) ont reçu un dhc.
Cela inclut un dhc décerné à Michèle Audette (une métisse Innue qui fut présidente de Femmes autochtones du Québec).
Dans l’histoire
Plusieurs faits intéressants, et historiques, ont été observés dans le premier billet sur la question. Nous avons mis à jour quelques-uns d’entres-eux:
- Le premier doctorat honoris causa remis à une femme le fut à «Mme L.-de-G. Beaubien» en 1931.
- Une seule année comporte plus de femmes que d’hommes. Il s’agit de l’an 1942 avec 2 femmes et 1 homme.
- Seules 2 années furent paritaires: 1983 avec 2 femmes et 2 hommes et cette année (2018) avec 4 femmes et 4 hommes.
- Le maximum de dhc décernés à des femmes pendant une année fut de 6 (en 2007 et 2009). Pour les hommes, ça s’élève à 47.
- À l’exception des années paritaires (1983 et 2018) et de 1942, les femmes n’ont JAMAIS constitué plus du tiers des doctorantes honorifiques. Seules 11 années comportent plus du quart des doctorants, mais quatre dans les 10 dernières années (2018, 2014, 2012, 2009, 1997, 1994, 1990, 1983, 1942, 1932).
- La plus longue période sans remise de dhc à une femme, à l’exception des onze années avant 1931, fut de 6 ans (de 1969 à 1974).
- Si on joue au petit jeu de sous quel recteur ont a attribué le plus haut pourcentage de dhc aux femmes, on obtient:
– Guy Breton (2010 – ) 26% (27 dhc remis à des femmes)
– Luc Vinet (2005 – 2010) 23,2% (26 dhc remis à des femmes)
– René Simard (1993 – 1998) 16,9% (13 dhc remis à des femmes)
– Gilles G. Cloutier (1985 – 1993) 15,3% (13 dhc remis à des femmes)
– Paul Lacoste (1975 – 1985) 14,3% (8 dhc remis à des femmes)
– Robert Lacroix (1998 – 2005) 11,3% (13 dhc remis à des femmes)
– Mgr André-Vincent-Joseph Piette (1923 – 1934) 6% (4 dhc remis à des femmes)
– Mgr Olivier Maurault (1934 – 1955) 5,2% (19 dhc remis à des femmes)
– Roger Gaudry (1965 – 1975) 3,5% (2 dhc remis à des femmes)
– Mgr Irénée Lussier (1955 – 1965) 1,7% (2 dhc remis à des femmes)
– Mgr Georges Gauthier (1920 – 1923) 0% (aucun dhc remis à des femmes)
Les résultats ne valent pas grand chose cependant puisqu’une même année est reprise pour deux recteurs et que ce ne sont pas nécessairement eux qui décident de tous les dhc (il s’agit d’un comité créé par le conseil de l’université).
Et les autres universités?
Le collectif opposé au sexisme à l’UQÀM a effectué un travail similaire le 30 octobre 2017 est arrivé à la conclusion que 20,3% des dhc des 25 dernières années ont été décernés à des femmes. C’est un pourcentage très légèrement plus élevé que celui de l’UdeM (à 19,6% dans les 25 dernières années). Nous attendons avec impatience les résultats dans d’autres universités!
Critiques intersectionnelles
Le genre n’est pas le seul critère de discrimination, l’ethnie, l’orientation sexuelle, la classe, etc. devrait aussi pouvoir être prise en compte dans une analyse qui pourrait être plus intersectionnelle. Bien que ces critères nous tiennent à cœur, nous n’avons pas les ressources nécessaires (temps, accès à des données approfondis sur les honoris causa) pour effectuer cette recherche.
Nous avons cependant pu observé que depuis 2009, grâce aux photos et aux biographies des récipiendaires (ainsi que quelques recherches en ligne), seul·es une femme des Premières nations, deux Innus, une femme noire, une Afghane et une Colombienne ont reçu des dhc, trois hommes chinois aussi. Ces attributions marquent bien les liens que l’UdeM tentent de tisser avec les universités chinoises depuis quelques années, mais aussi certains événements politiques internationaux comme la remise d’un dhc à Ingrid Bettancourt quelques mois après sa libération. Ces 9 personnes non-blanches (sur 127 dhc donc 7%!!) représentent difficilement cependant les pourcentages des minorités visibles au Canada (qui représentent 19,1% de la population canadienne) à l’exception des Chinois qui représentent 4% de la population canadienne. Considérant que les dhc sont quand même décernés à des personnalités de partout à travers la planète (mais plus souvent à des Américains et des Français), bien qu’un grand nombre de Canadiens et de Québécois s’y retrouvent, cette représentation est, dans les faits, encore plus minuscule.
Cette année, un dhc a été décerné à Michèle Audette (une métisse Innue qui fut présidente de Femmes autochtones du Québec).
Conclusions
Bref, avec, pour la première fois de l’histoire de l’UdeM un peu plus du quart des dhc ayant été remis à des femmes dans les 10 dernières années et jamais plus du tiers à aucun moment de l’histoire de l’UdeM (sauf durant trois années exceptionnelles), on peut conclure à une discrimination dans l’octroi des doctorats honorifiques et ce malgré les légères augmentations d’un recteur à l’autre bien que cette année, pour la première fois, on atteint la parité pour l’année 2018.
Les personnes de couleur et autochtones restent cependant toujours largement sous-représentées avec une seule personne autochtone cette année ayant reçu un dhc.
Sources
L’UdeM décerne un doctorat honorifique à Diana L. Eck, 7 février 2018
L’Université de Montréal décernera des doctorats honorifiques à cinq personnalités inspirantes, 22 mai 2018
Michèle Audette est honorée par l’Université de Montréal, 29 août 2018
L’Université de Montréal décerne un doctorat honorifique à Marc Lalonde, 11 octobre 2018
Liste chronologique des doctorats honoris causa de l’UdeM (1920-2013)
Liste des doctorats honoris causa avec photo (2009-2017)