Qui ai-je lu, et dans quelles proportions, en 2019?

Présentation du projet

Je suis déjà sensibilisé· au besoin de balancer mon corpus de lecture. Cette prise de conscience est facilitée par le fait de travailler dans une librairie féministe ce qui me permet, plus aisément, d’être capable d’effectuer une sélection beaucoup plus représentative des divers écrits contrairement à, par exemple, des critiques ou des prix littéraires. Cependant, même le fait d’être conscient·e de certaines réalités n’empêchent pas l’inscription de nos biais dans plusieurs sphères de notre vie comme le genre des personnes qu’on suit sur Twitter (ou les personnes qu’on re-gazouille) ou le type de livres qu’on prend (qui peut être influencé par une critique, une disposition et une disponibilité des livres écrits par les hommes).

Afin de prendre conscience de mes propres biais, que je remarque chez certains autres dans leur biographie presqu’exclusivement masculine, j’ai non seulement noté toutes mes lectures de l’année, mais leur ai aussi donné une note sur 5 (de 1 à 5, entièrement subjective, j’ai donné des notes de 1 à des ouvrages que d’autres pouvaient considérer digne de prix littéraires et il est probable que l’inverse soit possible!!!) afin de voir comment je jugeais la littérature de personnes que je lis en fonction de leur identité de genre, leur ethnicité ou leur orientation sexuelle. Je n’ai pas constitué cette base de donnée avant la fin-décembre (et après avoir choisi les livres que je lirais avant début janvier) afin qu’elle n’influence pas mes résultats, mais j’avais déjà fait l’exercice l’an dernier donc j’avais clairement en tête ce billet lors de l’achat de certains de mes livres. Je referais l’exercice l’année prochaine, mais cette fois-ci, j’aurais des quotas fixes en tête (au moins un auteur des Premières Nations par mois à lire par exemple).

Une perturbation importante dans les données

Je suis libraire dans une librairie féministe et que j’ai tendance à sur-privilégier les livres de femmes à ceux d’hommes pour rééquilibrer ma bibliothèque, mais aussi pour pouvoir parler des livres que je vends. Je suis aussi très fan de Doctor Who, ce qui me pousse à acheter et écouter beaucoup de drames et livres audio produits par une compagnie anglaise (Big Finish Productions). Toutefois, malgré un plus grand nombre d’actrices que d’acteurs la vaste majorité du temps dans ces oeuvres, l’omniprésence d’écrivains derrières ces audios est consternante. Ma collection préférée (en terme de prix et d’accessibilité) ne comporte qu’une seule écrivaine sur 72 audios (note: je compte les 7 premières saisons avant le changement complet du format, après on compte une femme et 15 hommes pour quatre saisons). Je fais souvent attention à mes achats à cet égard, mais la BBC diffusant des épisodes gratuits au moins une fois par année (et les DCs étant un luxe pour le dollars canadien), je saute toujours sur l’occasion de les écouter gratuitement.

Mon hypothèse de l’an dernier était que les hommes allaient probablement avoir une meilleure note moyenne que les femmes pour la seule et unique raison que si je lisais max. 2 hommes par mois (sur une quinze-vingtaine d’ouvrages par mois), j’allais certainement privilégier des ouvrages que je risquais d’aimer beaucoup plus que ceux des femmes, mais ça n’a pas été le cas l’an dernier ni cette année.

Cette année, j’ai aussi ajouter une colonne pour mes lectures de personnes non-binaires.

Le détail complet de mes lectures en 2019

Analyse des résultats

sur 200 ouvrages

J’analyserais les résultats colonne par colonne les résultats avant de livrer un comparatif de l’ensemble. Petite précision toutefois, j’ai tenté de chercher pour chaque auteur·es les différents critères de sélection, pour certains, je suis persuadé· de n’avoir fait aucune erreur (concernant le genre de l’auteur·e ou son statut de canadien·es ou d’étrangèr·es), mais l’appartenance à une minorité de sexualité, ethnique ou autochtone peut être légèrement sous-estimée.

Genre

La note moyenne des 200 ouvrages que j’ai notés (ça ne comprends pas les revues et beaucoup de livres pour enfants que je lisais au travail toutefois) est de 3,745, un peu plus haut qu’une moyenne parfaite (3) si j’avais vraiment lu des livres de toutes les qualités en proportions égales et elle est aussi plus élevée que l’année dernière (3,6) probablement dû au fait que je ne suis pas dans un comité de lecture cette année et que j’ai vraiment pu privilégier les ouvrages que je voulais lire. Celles des hommes, 3,625 , est légèrement en-dessous de celle-ci (et est beaucoup plus élevé que l’année dernière, 3,3 , clairement dû à mon retrait du prix). J’ai aussi évidemment lu beaucoup plus de femmes (on parlerait de 70,5% de femmes si on ôtait les collectifs et ouvrages mixtes) que d’hommes, probablement plus toutefois de ce que je pensais lire (de l’ordre de 1 H pour 4, 5 F).

Pour ce qui est des ouvrages collectifs et/ou mixtes, je ne semble pas en avoir lu beaucoup, à peine 17, et la note n’est pas si haute, 3,65 , non plus, mais j’ai souvent tendance à ne pas pouvoir mettre des notes parfaites à des collectifs en raison souvent de la présence de textes moins parfaits (subjectivement) à d’autres, ce qui leur donne souvent une note moyenne selon mon jugement. À l’exception de Gallifrey: Time War 2 qui obtient une note parfaite, les notes sont toutes de 3 ou 4 contrairement aux textes de femmes et d’hommes qui comptent plus d’entrées dans les extrêmes.

Nationalité

J’ai été très surpris de voir que le corpus canadien ne comptait que pour 23% de mes lectures! Un effondrement total depuis l’année dernière où j’étais à 36,6%. La présence de Français·es et d’Américain·es dans les « classiques » que je lis joue certainement là-dedans, mais je semble être plus porté naturellement vers des corpus étrangers malgré une très grande présence québécoise dans ma librairie. Mon appréciation de la littérature étrangère se reflète aussi beaucoup dans la note que je lui attribut qui est légèrement plus positive (3,76 exactement la même que l’année dernière) que celle des Canadien·es (3,7, beaucoup plus élevée que l’année dernière, encore une fois dû en partie à mon retrait du comité de sélection).

L’année dernière, j’ai émis l’hypothèse pour expliquer cette immense disparité en terme de jugement est que le corpus étranger étant tellement immense que les livres que je finis par me procurer sont généralement meilleurs, à mon avis, simplement parce que j’ai déjà effectué une présélection (influencée par la critique notamment). Mon corpus canadien étant souvent composé de nouveautés, je découvre souvent avant les autres la qualité d’un livre ce qui aura comme conséquence évidemment d’influencer la lecture que d’autres pourront avoir. C’est pour l’instant ma seule hypothèse, mais je pourrais certainement réfléchir à mon biais favorable à la littérature étrangère au cours de l’année. Je crois maintenir cet avis cette année aussi.

Minorité d’identité de genre et d’orientation sexuelle

Pas trop de surprises à cet égard, je lis 14% d’ouvrages pouvant tomber dans cette catégorie (incluant, quand même, tout le spectre LGBPT2QIA*), un pourcentage légèrement plus élevé que celui de la population (évaluable très très grossièrement entre 5 et 12%). La note moyenne, de 3,929 m’a encore surpris· étant vraiment beaucoup plus haute que la moyenne et que tous les autres groupes analysés (la même situation que l’année dernière). J’avoue ne pas avoir trouvé d’explication à cet égard sinon un reflet de ma propre subjectivité et expérience. C’est un pourcentage de lecture très correct à mon avis puisque, comme précisé, je n’ai pas cherché activement les livres que je lisais cette année en fonction de mes paramètres d’analyse, mais j’aimerais viser à augmenter ce dernier un peu plus considérant mon métier.

Cette année, j’ai aussi lu six ouvrages de personnes non-binaires avec une note moyenne de 3,833 , la deuxième meilleure moyenne de note juste au dessus des minorités ethniques ou autochtones (3,815). Cinq des six ouvrages avaient des notes de 3 ou 4 et seulement A Quick & Easy Guide to They/Them Pronouns avait une note parfaite.

Lorsque je sépare la nationalité dans mes résultats concernant ces minorités, il est intéressant de trouver que je lis moins d’auteur·es canadien·nes (10,87%) qu’étrangèr·es (14,94%), l’échantillon étant tellement bas toutefois qu’un seul de plus ou de moins fait remonter ou descendre les pourcentages rapidement. Ces pourcentages ont à peine varié depuis l’année dernière (respectivement 11,54% et 14,07%).

Minorités ethniques et autochtones

Pour cette catégorie, considérant le grand nombre d’auteur·es étrangèr·es que j’ai lu (et qui pouvait alors fausser les données), je me suis donné une règle: ne rentre dans cette catégorie que les minorités ethniques et autochtones au sein du pays dans lequel ces auteur·es vivent en ce moment (excluant les résidences d’auteur·es évidemment). Ainsi, une écrivaine japonaise (d’origine japonaise) ne rentrera pas dans cette catégorie (ex: Moto Hagio), mais une immigrante nigériane noire aux États-Unis le sera (ex: Nnedi Okorafor). Cette catégorie étant assez complexe, j’ai tenté de me baser, toujours, sur les informations biographiques de l’auteur·e. Ainsi, une personne née dans un pays dont les parents sont immigrants, mais qui n’a jamais mentionné appartenir à une telle minorité dans un pays n’apparaîtra pas.

Je constate qu’il s’agit probablement du plus grand biais dans mes lectures: je n’ai lu que 13,5% de personnes issues de ces groupes bien que je semble apprécier leurs ouvrages un peu plus que la moyenne (3,815). Il est impossible de calculer le pourcentage de « minorités ethniques et autochtones » dans le monde vu qu’il change drastiquement d’un pays à l’autre et qu’au final, il mesure des personnes différentes dans chaque pays, j’ai donc raffiné mes recherches en séparant les minorités canadiennes des étrangères. Le pourcentage s’améliore cependant beaucoup pour ce qui est des minorités au Canada (on monte à 21,74%!), dépassant un peu du pourcentage réel dans la population canadienne: on compte 20,3% de « minorité visible » à Montréal (1 personne sur 5), 11% au Québec et 19,1% au Canada (source). Aux États-Unis, ce chiffre monte à 27,6%.

Intersection de minorités?

J’ai seulement lu un livre qui pouvait être qualifié simultanément dans les deux catégories précédentes: La balançoire de Jasmin de Danny Ramadan comparativement à quatre l’année dernière. Ce livre compose 0,5% de mes lectures de 2019, un pourcentage beaucoup plus bas que le 1-2% de la population qui qualifierait à cet égard, mais clairement très insuffisant pour une personne qui s’intéresserait à l’intersection des luttes. Je vais donc beaucoup plus activement rechercher ces ouvrages en 2020 ayant failli sur ce point.

Qu’est-ce que je retire de l’expérience?

Outre la remarque que j’ai encore des biais dans mes lectures, je peux remarquer que si je ne cherche pas activement, encore plus que je ne le fait en ce moment, des livres issues de telles ou telle communauté ou de tel groupe marginalisé, ces livres ne s’imposeront, malheureusement, pas à moi tous seuls. Et ce, même si je travaille dans une librairie féministe, même si nous avons des sections spécialisées dans de tels enjeux et même si je suis très sensible à ces questions.

Ça va bientôt faire 3 ans que je travaille dans une librairie féministe et achète presque tous les livres que je lis. Depuis quelques années avant la fondation de la librairie, je me suis toujours questionné· à savoir si j’avais réussi à enfin lire plus de femmes que d’hommes dans ma vie puisque soyons honnête, le parcours scolaire était presqu’exclusivement des lectures d’hommes. J’avais calculé après mon baccalauréat et ma maîtrise en littératures française que j’avais lu, à l’université, seulement autour de 22% de femmes (et j’ai pris tous les cours de littérature de femmes qui existaient et qui faisaient vraiment augmenter la moyenne; dans les biographies de cours (en plus du corpus), on comptait plutôt près de 12-15% de femmes).

À prendre en note que je lis près de 70% de femmes, 20% d’hommes et 10% collectif depuis près de 3 ans et plus de 200 livres par année (clairement une énorme augmentation par rapport au environ 100-150 livres par année que je lisais avant).

J’ai donc mis ma bibliothèque (juste les monographies, les livres de cuisine et les zines) dans un document Excel et fait des additions rapides. Je n’ai pas été trop surpris de voir que j’avais toujours plus de livres d’hommes dans ma bibliothèque (environ 713 livres d’hommes et 683 livres de femmes, ce qui va probablement être renversé l’année prochaine!). À noter que ce n’est vraiment que ce que j’ai dans ma bibliothèque et ne tient pas compte de mes (milliers) de lecture en bibliothèque (ça inclut probablement une cinquantaine de livres d’Agatha Christie et de Jules Verne). Je pense honnêtement que les livres lu en bibliothèque doivent peser pour plus de 75% de mes lectures et à voir mes historiques à la BAnQ, c’est assez clair que 5 ans supplémentaires viendront peut-être enfin accoter cette parité de lecture.

Ma surprise est plutôt au niveau des auteur·es e·lleux-mêmes, si on tient juste compte des auteur·es individuel·les (donc on exclut le nombre de livres qu’illes ont écrit), j’ai encore une fois beaucoup plus d’hommes (406) que de femmes (370) ce qui prendra probablement encore plus de temps à renverser.

Je ne referais plus les calculs pour ça (c’est vraiment long, peu scientifique), mais ça montre à quel point mes lectures, même après près de 3 ans de librairie et un immense intérêt pour le féminisme depuis 2012 (à partir de 2013, quand j’entrais dans une librairie, je m’interdisais d’acheter plus de livres d’hommes que de femmes pour balancer), n’est même pas encore proche d’être paritaire.

Une dernière observation que cette rapide base de données m’a permis de voir, c’est qu’à l’exception de Françoise d’Eaubonne, j’ai très très peu de femmes avec plus de 2 ouvrages dans ma bibliothèque contrairement aux hommes dont les 4-5 ouvrages et plus ne sont pas rares.

[En musique, et je n’écoute presque que de la musique classique, j’ose même pas faire le calcul même si je n’achète que des compositrices depuis 3 ans (2 exceptions) et je dois le faire par Internet parce que je n’ai pas vu un seul magasin de musique avoir des compositrices classique en magasin depuis ce temps là.]

Ce n’est pas un constat « dramatique », je réussi probablement à avoir une moyenne beaucoup plus élevée que la majorité des gens, mais force est d’admettre que je peux non seulement faire mieux, mais qu’en plus, c’est un effort que je dois doubler pour simplement balancer le fait que, tout au long de ma vie (et surtout dans ma vie universitaire), j’ai lu en très très vaste majorité des hommes blancs hétéro (et cis).

Bref, il faut que je recherche activement certains ouvrages pour l’année prochaine, je vais encore ne rien noter dans mon tableau avant la fin-décembre, ne connaissant seulement ce que je dois rechercher, pour enfin arriver à m’améliorer.

J’encourage, en attendant, à voir vous-même la composition de vos lectures. Je vous partage même ma base de données pour que tous les calculs se fasse automatiquement de votre côté. Entre l’entrée de données et la recherche pour savoir si vos auteur·es se qualifient ou non dans telle ou telle catégorie prend toutefois beaucoup de temps (à 200 livres, j’ai probablement mis quelques heures, mais je compte la création de la base de données et la réflexion sur les critères à analyser dedans).

Je vous souhaite de bonnes lectures diversifiées pour 2019!

Représentation F/H hebdomadaire dans le cahier Lire du Devoir en 2019

Cette recension ne compte pas la critique de livres dans les pages à l’extérieur du cahier Lire du samedi ni les autres cahiers spéciaux qui traite aussi d’art et de performance (que ce soit le cinéma, la musique, la télévision ou le théâtre).

Remarques sur les articles dans le cahier Lire du Devoir en 2019

En 2019, 235 articles étaient réservés aux femmes, 429 aux hommes, 2 personnes non-binaire et 76 collectifs. En pourcentage, cela donne: 31,67% aux femmes, 57,82% aux hommes, 0,27% aux personnes non-binaire et 10,24% aux collectifs. Si on exclut les collectifs, les hommes composent 64,61% des articles.

À titre comparatif, selon le rapport Quelle place pour les femmes dans le champ littéraire et dans le monde du livre au Québec ? (p.10) 880 publications de 40 maisons d’édition étaient réparties comme suit: 351 femmes (39,89%), 450 aux hommes (51,14%) et 79 ouvrages mixte et collectifs (8,98%).

En terme de pages, ces proportions sont assez similaires: 151,15 pages sont réservées aux femmes, 260,27 aux hommes, 1 page aux personnes non-binaire et 64,17 pages aux collectifs En pourcentage: 31,72% aux femmes, 54,61% aux hommes, 0,21% aux personnes non-binaire et 13,46% aux collectifs. Si on exclut les collectifs, les hommes composent 63,26% des pages.

Si on regarde le portrait par semaine, les hommes ont représenté la majorité des semaines avec 46 semaines, les femmes représentaient la majorité durant seulement 5 semaines. Une seule semaine avait une représentation égale. 3 semaines n’ont eu aucun article individuel sur une femme dans leurs pages (ce qui ne s’est pas produit avec les articles d’hommes).

Pour les critiques ayant écrit plus de 4 critiques, Sylvain Cormier (22 articles comprenant 19 d’hommes, 3 collectifs) et Stéphane Baillargeon (7 articles comprenant 6 d’hommes, 1 collectif) n’ont écrit aucun article individuel sur une oeuvre de femme. 9 autres critiques avec 3 articles et moins n’ont écrit aucun article individuel sur une femme. Seulement 5 critiques ont uniquement écrit des articles sur des femmes (mais 1 seul article pour 4 de ces critiques et 2 articles pour la cinquième).

Si on liste les hommes (parce que oui, ce sont tous des hommes) qui effectuent le plus grand nombre de critiques d’hommes, excluant les collectifs et ceux mentionnés au dernier paragraphe, cela donne la liste suivante:
Louis Cornellier (95,56% d’hommes, 45 critiques), Louis Hamelin (87,50%, 16 critiques), Christian St-Pierre (87,50%, 16 critiques), Michel Lapierre (84,62%, 26 critiques), François Lemay (80%, 20 critiques), Michel Bélair (78,72%, 47 critiques) et Ralph Elawani (76,92%, 26 critiques). J’ai exclu toutes les personnes en dessous de 75% d’hommes dans leurs critiques. Ça fait quand même 9 hommes avec plus du 3/4 de leurs articles sur des hommes seulement.

Si on effectue le calcul pour le plus grand nombre de critiques de femmes, les cinq premières sont:
Sarah Boumedda (81,82% de femmes, 11 critiques), Natalia Wysocka (72%, 23 critiques), Amélie Gaudreau (66,66%, 6 critiques), Véronique Côté (62,50%, 8 critiques) et Diane Précour (60%, 10 critiques) qui tombe dans la zone paritaire (+/- 10%). Encore une fois, la comparaison n’est pas proche d’être égale, les femmes écrivent beaucoup moins de critiques et celles qui en a écrit le plus proportionnellement est derrière le 6ème homme en terme de proportion.

Les femmes occupent légèrement plus souvent les couvertures du cahier Lire (23 femmes contre 20 hommes).

Dans la manière dont j’organise les moyennes de note (je fais la moyenne des notes par critique, puis je fais la moyenne des critiques), les femmes ont une moyenne d’étoile légèrement moins élevée (3,40) que celle des hommes (3,47), elle est toutefois plus élevé si on ôte les deux 1 étoile décernée (seulement aux femmes), elle aurait été de 3,52. Les collectifs ont une moyenne de 3,50. Les deux articles avec 1 étoile seulement ont été décerné aux livres de Jo Wood et E. L. James.
Si j’effectue simplement la moyenne de toutes les notes, les moyennes sont beaucoup plus rapprochées: 3,53 pour les femmes, 3,50 pour les hommes et 3,54 pour les collectifs. Je crois que la moyenne des notes légèrement plus élevée pour les femmes s’expliquent simplement de par le fait qu’en en lisant moins, les critiques ont simplement tendance à privilégier de meilleurs ouvrages alors qu’ils critiquent un peu tous les ouvrages des hommes qui passent.

Remarques sur les critiques

Pour l’année 2019, le Devoir a compté 22 femmes et 25 hommes critiques ; les femmes ont écrit 253 critiques et les hommes 502 critiques soit 66,49% de toutes les critiques.

Les hommes ont écrit 120 critiques de femmes, 340 d’hommes et 40 collectifs. Si on exclut les collectifs, les hommes font 73,91% de critiques d’hommes.

Les femmes ont écrit 118 critiques de femmes, 98 d’hommes et 37 collectifs. Si on exclut les collectifs, les femmes font 45,37% de critiques d’hommes.

Si on conserve notre moyenne générale de critique avant de faire la moyenne de l’ensemble des critiques:
La note moyenne des hommes pour les oeuvres de femmes est de 3,27, pour les oeuvres d’hommes, cela monte à 3,47.
La note moyenne des femmes pour les oeuvres de femmes est de 3,58, pour les oeuvres d’hommes, cela descend à 3,48.
Bref, l’écart entre les notations est moindre chez femmes (0,1 au lieu de 0,2) et les oeuvres d’hommes obtiennent une note quasi égale dans les deux cas.

Coup d’œil aux données de 2019

Par couverture

Par critique

Par semaine

Notes générales sur certaines semaines:
18 novembre 2019
2 février 2019
30 août 2019

Les statistiques de 2018

Quelques semaines que j’ai compilées avant de commencer 2019

critique FH devoir

Notes générales sur certaines semaines:
1er septembre 2018
15 septembre 2018
29 décembre 2018

Notes méthodologiques

Afin de présenter une catégorie d’entrevue de groupe ou de survols de plusieurs livres qui échappe à la binarité F/H, nous avons une catégorie « mixte ». Afin que celle-ci ne vienne pas dé-balancer les autres données, tout groupe de femmes ou d’homme comptera que pour 1 « livre/entrevue/article » bien que ces collectifs ont généralement plus d’hommes que de femmes.

Aucune information n’est collectée sur la constitution des groupes à cause du manque d’information sur tous ces auteur·es, très souvent, de ces livres et du temps supplémentaire demandé pour faire ces recherches.

Qui ai-je lu, et dans quelles proportions, en 2018?

Présentation du projet

Je suis déjà sensibilisé· au besoin de balancer mon corpus de lecture. Cette prise de conscience est facilitée par le fait de travailler dans une librairie féministe ce qui me permet, plus aisément, d’être capable d’effectuer une sélection beaucoup plus représentative des divers écrits contrairement à, par exemple, des critiques ou des prix littéraires. Cependant, même le fait d’être conscient·e de certaines réalités n’empêchent pas l’inscription de nos biais dans plusieurs sphères de notre vie comme le genre des personnes qu’on suit sur Twitter (ou les personnes qu’on re-gazouille) ou le type de livres qu’on prend (qui peut être influencé par une critique, une disposition et une disponibilité des livres écrits par les hommes).

Afin de prendre conscience de mes propres biais, que je remarque chez certains autres dans leur biographie presqu’exclusivement masculine, j’ai non seulement noté toutes mes lectures de l’année, mais leur ai aussi donné une note sur 5 (de 1 à 5, entièrement subjective, j’ai donné des notes de 1 à des ouvrages que d’autres pouvaient considérer digne de prix littéraires et il est probable que l’inverse soit possible!!!) afin de voir comment je jugeais la littérature de personnes que je lis en fonction de leur identité de genre, leur ethnicité ou leur orientation sexuelle. Je n’ai pas constitué cette base de donnée avant la fin-décembre (et après avoir choisi les livres que je lirais avant début janvier) afin qu’elle n’influence pas mes résultats, mais je savais que je ferais un tel exercice vers le mois de février/mars 2018. Je referais l’exercice l’année prochaine avec les mêmes conditions, mais ayant en main les résultats de cet année, il est fort à parier que cela influence mes lectures à l’avenir.

Deux perturbations importantes dans les données

Bien que je suis libraire dans une librairie féministe et que j’ai tendance à sur-privilégier les livres de femmes à ceux d’hommes pour rééquilibrer ma bibliothèque, mais aussi pour pouvoir parler des livres que je vends, j’ai toutefois fait partie d’un comité de sélection pour un prix littéraire ce qui m’a forcé à lire des livres lesquels je n’aurais jamais lus. Cela inclut évidemment beaucoup d’hommes. Plusieurs hommes, mais aussi plusieurs livres assez sexistes dans les personnes qu’ils citaient ce qui influençait souvent mon jugement à la négative (mais ce n’était jamais le seul facteur d’une note).
Je suis aussi très fan de Doctor Who, ce qui me pousse à acheter et écouter beaucoup de drames et livres audio produits par une compagnie anglaise (Big Finish Productions). Toutefois, malgré un plus grand nombre d’actrices que d’acteurs la vaste majorité du temps dans ces oeuvres, l’omniprésence d’écrivains derrières ces audios est consternante. Ma collection préférée (en terme de prix et d’accessibilité) ne comporte qu’une seule écrivaine sur 72 audios (note: je compte les 7 premières saisons avant le changement complet du format, après on compte une femme et 15 hommes pour quatre saisons). Je fais souvent attention à mes achats à cet égard, mais la BBC diffusant des épisodes gratuits au moins une fois par année (et les DCs étant un luxe pour le dollars canadien), je saute toujours sur l’occasion de les écouter gratuitement. Toutefois, plusieurs de ces épisodes audio écrits par des hommes ne m’ont pas tant intéressé· (je ne les ai pas choisi contrairement à ceux que j’achète) d’où aussi un petit effondrement de la note moyenne des hommes à cet égard.

Mon hypothèse de départ était que les hommes allaient probablement avoir une meilleure note moyenne que les femmes pour la seule et unique raison que si je lisais max. 2 hommes par mois (sur une quinze-vingtaine d’ouvrages par mois), j’allais certainement privilégier des ouvrages que je risquais d’aimer beaucoup plus que ceux des femmes, mais à cause de ces deux facteurs, la moyenne des hommes est beaucoup plus basse.

Le détail complet de mes lectures en 2018

Analyse des résultats

sur 213 ouvrages

J’analyserais les résultats colonne par colonne les résultats avant de livrer un comparatif de l’ensemble. Petite précision toutefois, j’ai tenté de chercher pour chaque auteur·es les différents critères de sélection, pour certains, je suis persuadé· de n’avoir fait aucune erreur (concernant le genre de l’auteur·e ou son statut de canadien·es ou d’étrangèr·es), mais l’appartenance à une minorité de sexualité, ethnique ou autochtone peut être légèrement sous-estimée.

Genre

La note moyenne des 213 ouvrages que j’ai notés (ça ne comprends pas les revues et beaucoup de livres pour enfants que je lisais au travail toutefois) est de 3,6, un peu plus haut qu’une moyenne parfaite (3) si j’avais vraiment lu des livres de toutes les qualités en proportions égales. Celles des hommes, 3,3, est légèrement plus « réaliste » à cet égard et reflète en effet bien les deux perturbateurs de données. J’ai donc évidemment lu beaucoup plus de femmes (on parlerait de 78,2% de femmes si on ôtait les collectifs et ouvrages mixtes) que d’hommes, probablement plus toutefois de ce que je pensais lire (de l’ordre de 1 H pour 4, 5 F), mais encore une fois, je peux pointer vers les perturbateurs.

Pour ce qui est des ouvrages collectifs et/ou mixtes, je ne semble pas en avoir lu beaucoup, à peine 20, et la note n’est pas si haute non plus, mais j’ai souvent tendance à ne pas pouvoir mettre des notes parfaites à des collectifs en raison souvent de la présence de textes moins parfaits (subjectivement) à d’autres, ce qui leur donne souvent une note moyenne selon mon jugement. À l’exception de Trigger Warnings: History, Theory, Context dirigé par Emily J.M. Knox et le collectif Rencontres radicales : pour des dialogues féministes décoloniaux qui obtiennent tous deux une note parfaite et la revue Mondes Secrets n°1 – Mars 1963 achetée uniquement pour la présence d’une nouvelle de Françoise d’Eaubonne (qui n’était pas non plus bonne), les notes sont vraiment plus dans la moyenne que dans les extrêmes contrairement aux textes de femmes et d’hommes qui comptent plus d’entrées dans les extrêmes.

Nationalité

J’ai été très surpris de voir que le corpus canadien ne comptait que pour 36,6% de mes lectures! La présence de Français·es et d’Américain·es dans les « classiques » que je lis à certainement joué là-dedans, mais je semble être plus porté naturellement vers des corpus étrangers malgré une très grande présence québécoise dans ma librairie. Mon appréciation de la littérature étrangère se reflète aussi beaucoup dans la note que je lui attribut qui est beaucoup plus positive (3,76) que celle des Canadien·es (3,32). La seule hypothèse que je peux émettre pour expliquer cette immense disparité en terme de jugement est que le corpus étranger étant tellement immense que les livres que je finis par me procurer sont généralement meilleurs, à mon avis, simplement parce que j’ai déjà effectué une présélection (influencée par la critique notamment). Mon corpus canadien étant souvent composé de nouveautés, je découvre souvent avant les autres la qualité d’un livre ce qui aura comme conséquence évidemment d’influencer la lecture que d’autres pourront avoir. C’est pour l’instant ma seule hypothèse, mais je pourrais certainement réfléchir à mon biais favorable à la littérature étrangère au cours de l’année.

Minorité d’identité de genre et d’orientation sexuelle

Pas trop de surprises à cet égard, je lis 13,15% d’ouvrages pouvant tomber dans cette catégorie (incluant, quand même, tout le spectre LGBPT2QIA*), un pourcentage légèrement plus élevé que celui de la population (évaluable très très grossièrement entre 5 et 12%). La note moyenne, de 4,1 m’a toutefois vraiment surpris· étant vraiment beaucoup plus haute que la moyenne et que tous les autres groupes analysés. J’avoue ne pas avoir trouvé d’explication à cet égard sinon un reflet de ma propre subjectivité et expérience. C’est un pourcentage de lecture très correct à mon avis puisque, comme précisé, je n’ai pas cherché activement les livres que je lisais cette année en fonction de mes paramètres d’analyse, mais j’aimerais viser à augmenter ce dernier un peu plus considérant mon métier.

Lorsque je sépare la nationalité dans mes résultats concernant ces minorités, il est intéressant de trouver que je lis moins d’auteur·es canadien·nes (11,54%) qu’étrangèr·es (14,07%), l’échantillon étant tellement bas toutefois qu’un seul de plus ou de moins fait remonter ou descendre les pourcentages rapidement.

Minorités ethniques et autochtones

Pour cette catégorie, considérant le grand nombre d’auteur·es étrangèr·es que j’ai lu (et qui pouvait alors fausser les données), je me suis donné une règle: ne rentre dans cette catégorie que les minorités ethniques et autochtones au sein du pays dans lequel ces auteur·es vivent en ce moment (excluant les résidences d’auteur·es évidemment). Ainsi, une écrivaine japonaise (d’origine japonaise) ne rentrera pas dans cette catégorie (ex: Moto Hagio), mais une immigrante nigériane noire aux États-Unis le sera (ex: Nnedi Okorafor). Cette catégorie étant assez complexe, j’ai tenté de me baser, toujours, sur les informations biographiques de l’auteur·e. Ainsi, une personne née dans un pays dont les parents sont immigrants, mais qui n’a jamais mentionné appartenir à une telle minorité dans un pays n’apparaîtra pas.

Je constate qu’il s’agit probablement du plus grand biais dans mes lectures: je n’ai lu que 16,43% de personnes issues de ces groupes bien que je semble apprécier leurs ouvrages un peu plus que la moyenne. Il est impossible de calculer le pourcentage de « minorités ethniques et autochtones » dans le monde vu qu’il change drastiquement d’un pays à l’autre et qu’au final, il mesure des personnes différentes dans chaque pays, j’ai donc raffiné mes recherches en séparant les minorités canadiennes des étrangères. Le pourcentage s’améliore un peu donc pour ce qui est des minorités au Canada (on passe à 17,95%), mais on est encore plus ou loin du pourcentage réel dans la population canadienne: on compte 20,3% de « minorité visible » à Montréal, 1 personne sur 5, 11% au Québec et 19,1% au Canada (source). Aux États-Unis, ce chiffre monte à 27,6%. Je vais donc beaucoup plus activement rechercher les ouvrages issus de cette communauté en 2019 ayant failli sur ce point.

Intersection de minorités?

J’ai seulement lu quatre livres qui pouvaient être qualifiés simultanément dans les deux catégories précédentes: Living a Feminist Life de Sara Ahmed, La prochaine fois, le feu de James Baldwin, We’re Still Here: An All-Trans Comics Anthology (un collectif dont une partie seulement qualifiée à ce titre, mais quand même une bonne partie donc il est inclut) et La femme que je suis devenue d’Aimée Munezero. Ces quatre livres forment 1,88% de mes lectures de 2018, un pourcentage qui tomberait dans le 1-2% de la population qui qualifierait à cet égard, mais clairement très insuffisant pour une personne qui s’intéresserait à l’intersection des luttes. Ce sera un autre critère de sélection pour l’an prochain.

Qu’est-ce que je retire de l’expérience?

Outre la remarque que j’ai encore des biais dans mes lectures, je peux remarquer que si je ne cherche pas activement, encore plus que je ne le fait en ce moment, des livres issues de telles ou telle communauté ou de tel groupe marginalisé, ces livres ne s’imposeront, malheureusement, pas à moi tous seuls. Et ce, même si je travaille dans une librairie féministe, même si nous avons des sections spécialisées dans de tels enjeux et même si je suis très sensible à ces questions.

Ce n’est pas un constat « dramatique », je réussi probablement à avoir une moyenne beaucoup plus élevée que la majorité des gens (je ne dispose toutefois pas de statistiques pour comparer), mais force est d’admettre que je peux non seulement faire mieux, mais qu’en plus, c’est un effort que je dois doubler pour simplement balancer le fait que, tout au long de ma vie (et surtout dans ma vie universitaire), j’ai lu en très très vaste majorité des hommes blancs hétéro (et cis). Je n’ai pas encore analysé le contenu de ma bibliothèque (c’est un travail encore plus long que de le faire pour une année), mais peut-être suis-je proche d’une parité en terme de genre, mais je ne suis clairement pas proche de l’être pour tous les autres angles.

Bref, il faut que je recherche activement certains ouvrages pour l’année prochaine, je vais encore ne rien noter dans mon tableau avant la fin-décembre, ne connaissant seulement ce que je dois rechercher, pour voir si j’arrive à m’améliorer, mais si l’année prochaine ça n’atteint pas les pourcentages requis, je vais devoir commencer à effectuer le travail à mon quotidien.

J’encourage, en attendant, à voir vous-même la composition de vos lectures. Je vous partage même ma base de données pour que tous les calculs se fasse automatiquement de votre côté. Entre l’entrée de données et la recherche pour savoir si vos auteur·es se qualifient ou non dans telle ou telle catégorie prend toutefois beaucoup de temps (à 200 livres, j’ai probablement mis quelques heures, mais je compte la création de la base de données et la réflexion sur les critères à analyser dedans).

Je vous souhaite de bonnes lectures diversifiées pour 2019!

Répartition F/H des doctorats honoris causa décernés par l’UdeM depuis 1920 (rapport 2018)

Répartition des doctorats honoris cause en fonction du genre (1920-2018) Cliquez pour agrandir

De 1920 à 2018, 1060 doctorats honoris causa (dhc) ont été remis par l’Université de Montréal à des personnalités de tous les milieux. En constatant une «relative» absence des femmes en 2013 (2 femmes en ont reçu un par rapport à 10 hommes), j’ai décidé d’approfondir la question et de voir si il y avait vraiment une discrimination dans l’attribution des diplômes. Ce quatrième billet sur la question est une mise à jour annuel du premier billet.

Comme toujours, les bases de données que j’ai montées pour effectuer cette recherche sont disponibles pour consultation, vérification, diffusion, reproduction et pour d’autres recherches si vous voulez (mais merci de me citer comme auteur·)

Note sur 2018

La recherche cette année fut légèrement plus complexe que les années précédentes puisque le site Internet n’est plus vraiment à jour (les récipiendaires de 2017 ne sont même pas encore tous là!), tous les dhc ne sont pas référencés au même endroit dans les nouvelles de l’UdeM contrairement aux années précédentes où tous les dhc étaient regroupés par session (donc deux articles) plutôt qu’aujourd’hui où, des fois, ils sont groupés ensemble, des fois non et d’autres fois, ils sont répétés dans plusieurs articles.

Résultats

Voici donc les résultats auxquels je suis arrivé. Des 1060 dhc remis, 945 ont été attribué à des hommes et 115 à des femmes. Au cours des 10 dernières années, 127 dhc ont été remis: 94 à des hommes, 33 à des femmes.

Pour remettre ça en perspective, depuis 1920, il y a une moyenne de 9,5 dhc de remis à des hommes par année et 1,2 dhc/année remis à des femmes. Bref, 10,8% de tous les dhc! Par rapport à l’année dernière, la moyenne totale des diplômes décernée aux femmes a augmenté de 0,2%!

Au cours des 10 dernières années, cela monte à 9,4 pour les hommes et 3,3 pour les femmes. Il s’agit là de 26% de tous les dhc. Encore par rapport à l’année dernière, cette moyenne a augmenté de 2,4% pour les femmes.

La médiane depuis 1920 est toujours de 8 pour les hommes et 1 pour les femmes. Au cours des 10 dernières années, elle est de l’ordre de 9,5 pour les hommes et 3 pour les femmes. Ces médianes restent inchangées depuis 1920, mais a diminué de 0,5 pour les hommes par rapport à l’année dernière de nouveau dû au faible nombre de doctorat honoris causa décernés cette année (tendance de plus en plus remarquée sous le rectorat de Guy Breton).

2018

Cette année fut la première année paritaire depuis 1983!

Quatre femmes (Julie Payette, Françoise David, Diana L. Eck et Michèle Audette) et quatre hommes (Louis Audet, Pierre Boucher, Jean Rochon et Marc Lalonde) ont reçu un dhc.

Cela inclut un dhc décerné à Michèle Audette (une métisse Innue qui fut présidente de Femmes autochtones du Québec).

Dans l’histoire

Plusieurs faits intéressants, et historiques, ont été observés dans le premier billet sur la question. Nous avons mis à jour quelques-uns d’entres-eux:

  • Le premier doctorat honoris causa remis à une femme le fut à «Mme L.-de-G. Beaubien» en 1931.
  • Une seule année comporte plus de femmes que d’hommes. Il s’agit de l’an 1942 avec 2 femmes et 1 homme.
  • Seules 2 années furent paritaires: 1983 avec 2 femmes et 2 hommes et cette année (2018) avec 4 femmes et 4 hommes.
  • Le maximum de dhc décernés à des femmes pendant une année fut de 6 (en 2007 et 2009). Pour les hommes, ça s’élève à 47.
  • À l’exception des années paritaires (1983 et 2018) et de 1942, les femmes n’ont JAMAIS constitué plus du tiers des doctorantes honorifiques. Seules 11 années comportent plus du quart des doctorants, mais quatre dans les 10 dernières années (2018, 2014, 2012, 2009, 1997, 1994, 1990, 1983, 1942, 1932).
  • La plus longue période sans remise de dhc à une femme, à l’exception des onze années avant 1931, fut de 6 ans (de 1969 à 1974).
  • Si on joue au petit jeu de sous quel recteur ont a attribué le plus haut pourcentage de dhc aux femmes, on obtient:
    – Guy Breton (2010 – ) 26% (27 dhc remis à des femmes)
    – Luc Vinet (2005 – 2010) 23,2% (26 dhc remis à des femmes)
    – René Simard (1993 – 1998) 16,9% (13 dhc remis à des femmes)
    – Gilles G. Cloutier (1985 – 1993) 15,3% (13 dhc remis à des femmes)
    – Paul Lacoste (1975 – 1985) 14,3% (8 dhc remis à des femmes)
    – Robert Lacroix (1998 – 2005) 11,3% (13 dhc remis à des femmes)
    – Mgr André-Vincent-Joseph Piette (1923 – 1934) 6% (4 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Olivier Maurault (1934 – 1955) 5,2% (19 dhc remis à des femmes)
    – Roger Gaudry (1965 – 1975) 3,5% (2 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Irénée Lussier (1955 – 1965) 1,7% (2 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Georges Gauthier (1920 – 1923) 0% (aucun dhc remis à des femmes)
    Les résultats ne valent pas grand chose cependant puisqu’une même année est reprise pour deux recteurs et que ce ne sont pas nécessairement eux qui décident de tous les dhc (il s’agit d’un comité créé par le conseil de l’université).

Et les autres universités?

Le collectif opposé au sexisme à l’UQÀM a effectué un travail similaire le 30 octobre 2017 est arrivé à la conclusion que 20,3% des dhc des 25 dernières années ont été décernés à des femmes. C’est un pourcentage très légèrement plus élevé que celui de l’UdeM (à 19,6% dans les 25 dernières années). Nous attendons avec impatience les résultats dans d’autres universités!

Critiques intersectionnelles

Le genre n’est pas le seul critère de discrimination, l’ethnie, l’orientation sexuelle, la classe, etc. devrait aussi pouvoir être prise en compte dans une analyse qui pourrait être plus intersectionnelle. Bien que ces critères nous tiennent à cœur, nous n’avons pas les ressources nécessaires (temps, accès à des données approfondis sur les honoris causa) pour effectuer cette recherche.

Nous avons cependant pu observé que depuis 2009, grâce aux photos et aux biographies des récipiendaires (ainsi que quelques recherches en ligne), seul·es une femme des Premières nations, deux Innus, une femme noire, une Afghane et une Colombienne ont reçu des dhc, trois hommes chinois aussi. Ces attributions marquent bien les liens que l’UdeM tentent de tisser avec les universités chinoises depuis quelques années, mais aussi certains événements politiques internationaux comme la remise d’un dhc à Ingrid Bettancourt quelques mois après sa libération. Ces 9 personnes non-blanches (sur 127 dhc donc 7%!!) représentent difficilement cependant les pourcentages des minorités visibles au Canada (qui représentent 19,1% de la population canadienne) à l’exception des Chinois qui représentent 4% de la population canadienne. Considérant que les dhc sont quand même décernés à des personnalités de partout à travers la planète (mais plus souvent à des Américains et des Français), bien qu’un grand nombre de Canadiens et de Québécois s’y retrouvent, cette représentation est, dans les faits, encore plus minuscule.

Cette année, un dhc a été décerné à Michèle Audette (une métisse Innue qui fut présidente de Femmes autochtones du Québec).

Conclusions

Bref, avec, pour la première fois de l’histoire de l’UdeM un peu plus du quart des dhc ayant été remis à des femmes dans les 10 dernières années et jamais plus du tiers à aucun moment de l’histoire de l’UdeM (sauf durant trois années exceptionnelles), on peut conclure à une discrimination dans l’octroi des doctorats honorifiques et ce malgré les légères augmentations d’un recteur à l’autre bien que cette année, pour la première fois, on atteint la parité pour l’année 2018.

Les personnes de couleur et autochtones restent cependant toujours largement sous-représentées avec une seule personne autochtone cette année ayant reçu un dhc.

Sources

L’UdeM décerne un doctorat honorifique à Diana L. Eck, 7 février 2018
L’Université de Montréal décernera des doctorats honorifiques à cinq personnalités inspirantes, 22 mai 2018
Michèle Audette est honorée par l’Université de Montréal, 29 août 2018
L’Université de Montréal décerne un doctorat honorifique à Marc Lalonde, 11 octobre 2018

Liste chronologique des doctorats honoris causa de l’UdeM (1920-2013)
Liste des doctorats honoris causa avec photo (2009-2017)

Répartition F/H des doctorats honoris causa décernés par l’UdeM depuis 1920 (rapport 2017)

Répartition des doctorats honoris cause en fonction du genre (1920-2017)
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De 1920 à 2017, 1052 doctorats honoris causa (dhc) ont été remis par l’Université de Montréal à des personnalités de tous les milieux. En constatant une «relative» absence des femmes en 2013 (2 femmes en ont reçu un par rapport à 10 hommes), j’ai décidé d’approfondir la question et de voir si il y avait vraiment une discrimination dans l’attribution des diplômes. Ce quatrième billet sur la question est une mise à jour annuel du premier billet.

Comme toujours, les bases de données que j’ai montées pour effectuer cette recherche sont disponibles pour consultation, vérification, diffusion, reproduction et pour d’autres recherches si vous voulez (mais merci de me citer comme auteur·).

Voici donc les résultats auxquels je suis arrivé. Des 1052 dhc remis, 941 ont été attribué à des hommes et 111 à des femmes. Au cours des 10 dernières années, 140 dhc ont été remis: 107 à des hommes, 33 à des femmes.

Pour remettre ça en perspective, depuis 1920, il y a une moyenne de 9,6 dhc de remis à des hommes par année et 1,1 dhc/année remis à des femmes. Bref, 10,6% de tous les dhc! Par rapport à l’année dernière, la moyenne totale des diplômes décernée aux femmes a augmenté de 0,2%! Au cours des 10 dernières années, cela monte à 10,7 pour les hommes et 3,3 pour les femmes. Il s’agit là de 23,6% de tous les dhc. Encore par rapport à l’année dernière, cette moyenne a diminué pour les femmes de 0,4%.

La médiane depuis 1920 est toujours de 8 pour les hommes et 1 pour les femmes. Au cours des 10 dernières années, elle est de l’ordre de 10 pour les hommes et 3 pour les femmes. Ces médianes restent inchangées depuis 1920, mais a diminué de 0,5 pour les hommes par rapport à l’année dernière de nouveau dû au faible nombre de doctorat honoris causa décernés cette année (tendance de plus en plus remarqué sous le rectorat de Guy Breton).

Plusieurs faits intéressants, et historiques, ont été observés dans le premier billet sur la question. Nous avons mis à jour l’un d’entres-eux:

  • Si on joue au petit jeu de sous quel recteur ont a attribué le plus haut pourcentage de dhc aux femmes, on obtient:
    – Guy Breton (2010 – ) 24% (22 dhc remis à des femmes) [une diminution de 0,4% par rapport à l’année dernière dû à un dhc décerné de moins que l’année dernière]
    – Luc Vinet (2005 – 2010) 23,2% (26 dhc remis à des femmes)
    – René Simard (1993 – 1998) 16,9% (13 dhc remis à des femmes)
    – Gilles G. Cloutier (1985 – 1993) 15,3% (13 dhc remis à des femmes)
    – Paul Lacoste (1975 – 1985) 14,3% (8 dhc remis à des femmes)
    – Robert Lacroix (1998 – 2005) 11,3% (13 dhc remis à des femmes)
    – Mgr André-Vincent-Joseph Piette (1923 – 1934) 6% (4 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Olivier Maurault (1934 – 1955) 5,2% (19 dhc remis à des femmes)
    – Roger Gaudry (1965 – 1975) 3,5% (2 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Irénée Lussier (1955 – 1965) 1,7% (2 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Georges Gauthier (1920 – 1923) 0% (aucun dhc remis à des femmes)
    Les résultats ne valent pas grand chose cependant puisqu’une même année est reprise pour deux recteurs et que ce ne sont pas nécessairement eux qui décident de tous les dhc (il s’agit d’un comité créé par le conseil de l’université).

Et les autres universités?
Le collectif opposé au sexisme à l’UQÀM vient d’effectuer un travail similaire le 30 octobre est arrive au conclusion que 20,3% des dhc des 25 dernières années ont été décernés à des femmes. C’est un pourcentage très légèrement plus élevé que celui de l’UdeM (à 18,7% dans les 25 dernières années). Nous attendons avec impatience les résultats dans d’autres universités!

Critiques intersectionnelles
Le genre n’est pas le seul critère de discrimination, l’ethnie, l’orientation sexuelle, la classe, etc. devrait aussi pouvoir être prise en compte dans une analyse qui pourrait être plus intersectionnelle. Bien que ces critères nous tiennent à cœur, nous n’avons pas les ressources nécessaires (temps, accès à des données approfondis sur les honoris causa) pour effectuer cette recherche.
Nous avons cependant pu observé que depuis 2009, grâce aux photos et aux biographies des récipiendaires (ainsi que quelques recherches en ligne), seul·es une femme des Premières nations, un Innu, une femme noire, une Afghane et une Colombienne ont reçu des dhc, trois hommes chinois aussi. Ces attributions marquent bien les liens que l’UdeM tentent de tisser avec les universités chinoises depuis quelques années, mais aussi certains événements politiques internationaux comme la remise d’un dhc à Ingrid Bettancourt quelques mois après sa libération. Ces 8 personnes non-blanches (sur 119 dhc donc 6,7%!!) représentent difficilement cependant les pourcentages des minorités visibles au Canada (qui représentent 19,1% de la population canadienne) à l’exception des Chinois qui représentent 4% de la population canadienne. Considérant que les dhc sont quand même décernés à des personnalités de partout à travers la planète (mais plus souvent à des Américains et des Français), bien qu’un grand nombre de Canadiens et de Québécois s’y retrouvent, cette représentation est, dans les faits, encore plus minuscule.
Un dhc a été décerné cette année à André Dudemaine (un Innu de Mashteuiatsh).

Conclusions:
Bref, avec toujours moins du quart des dhc ayant été remis à des femmes dans les 10 dernières années et jamais plus du tiers à aucun moment de l’histoire de l’UdeM (sauf durant deux années exceptionnelles), on peut conclure à une discrimination dans l’octroi des doctorats honorifiques et ce malgré les légères augmentations d’un recteur à l’autre.

À venir, éventuellement:
Une approche par faculté ou domaine d’étude pour tenter de voir si la discrimination est la même partout.

Source:
Liste chronologique des doctorats honoris causa de l’UdeM
Liste des doctorats honoris causa de 2017

Répartition femmes/hommes des prix littéraires francophones au Québec

Avant-propos

Ce travail de recherche et d’analyse a été effectué sans financement et sur une base volontaire (dans mes temps libres). Ce billet sur les prix littéraires québécois francophone est mon idée (bref, pas une commande, ni une suggestion de quelqu’un·e) qui fut très fortement influencée par les autres recherches et travaux sur la répartition femmes/hommes de d’autres prix littéraires souvent plus ponctuels (Goncourt, Fémina, etc. bref, les « gros » prix) que généralisés.

Cette recension n’est évidemment qu’une pierre que j’amène dans la réflexion menée par (presqu’exclusivement) des femmes sur la pertinence d’une parité culturelle. Il y a une nécessité de voir les femmes autant représentées que les hommes dans les critiques de livres (voir les travaux de recension du CWILA [en français: Femmes canadiennes dans les arts littéraires (FCAL)]) que dans les prix littéraires.

Sans vouloir abuser de modestie, ce travail est encore à ses débuts : j’ai bien l’intention de mettre à jour ce dernier annuellement en plus d’agrandir l’étendue de la recherche à plusieurs critères d’analyse que j’ai dû mettre de côté (langue, prix défunts, inclure les nominations, des prix écartés, etc.; j’y reviens dans la méthodologie) afin de multiplier les angles d’approche et la pertinence de cette recherche.

Je prends toujours les critiques et suggestions avec un grand intérêt et reconnais que ce travail est encore loin d’être parfait et exhaustif.

Comme toujours, les bases de données que j’ai montées pour effectuer cette recherche sont disponibles pour consultation, vérification, diffusion, reproduction et pour d’autres recherches si vous voulez (mais merci de me citer comme auteur·).

Méthodologie

J’ai tenté de couvrir tous les prix littéraires québécois francophones encore octroyés en 2017 même si le dernier octroi date de 2015 ou 2016 (c’est le cas des prix bisannuels par exemple). De ces prix, j’ai écarté tous les prix ayant débuté après 2015 (qui permet d’ôter plusieurs prix n’ayant pas un échantillon assez représentatif, je reconnais cependant l’arbitraire de cette décision, mais d’un autre côté, toutes les autres durées l’auraient aussi été y compris inclure les prix ayant uniquement été décernés en 2017). Plusieurs de ces prix sont cependant référencés dans les bases de données, mais pas conservés pour l’analyse finale.

J’ai essayé de couvrir les nominations pour le maximum de prix possible, mais j’ai dû abandonner ce critère d’analyse pour plusieurs raisons : la difficulté de les retracer, l’absence souvent de ceux-ci sur des plateformes de recherche facilement accessibles, le temps mis à rechercher leurs auteur·es devenaient beaucoup trop important (surtout lorsque les nominations dépassaient 10 personnes). Je considère qu’un travail ne doit pas être fait s’il ne peut être complet, j’ai préféré abandonner ce critère d’analyse plutôt que de me concentrer sur une échantillonnage complètement arbitraire (et donc sujet à la critique). Plusieurs nominations de prix sont cependant référencées dans les bases de données, mais pas conservées pour l’analyse finale.

J’ai aussi exclu plusieurs catégorie de prix pour différentes raisons :

Les prix anglophones québécois ont été écartés, cette année, pour des raisons liées à la difficulté de les isoler des prix anglophones canadiens et de la difficulté à en retrouver un nombre suffisant. Il n’est pas exclus que je les ajoute dans une prochaine mise à jour dans une catégorie à part. Plusieurs sont cependant référencés dans les bases de données, mais pas conservés pour l’analyse finale.

Les prix littéraires attribués par région/ville ont été exclus dû à des difficultés à les retrouver pour la plupart et une certaine importance que j’accorderais à les regrouper et effectuer une analyse semi-indépendantes des autres prix littéraires. J’émets l’hypothèse que l’octroi de prix en région ou dans une ville particulière dépendra fortement du type de jury sélectionné (autant au niveau du genre qu’au niveau professionnel des membres du jury), mais je n’avais pas accès à ces données pour le moment et j’ai préféré les exclure pour le moment. Il n’est pas exclus que je les ajoute dans une prochaine mise à jour dans une catégorie à part. Plusieurs sont cependant référencés dans les bases de données, mais pas conservés pour l’analyse finale.

De la même manière, j’ai exclu les rares prix littéraires décernés uniquement à l’intérieur d’un corps de métier (ex : enseignants) pour des raisons de disproportionnalité femmes/hommes à l’intérieur du métier qui peuvent fortement influencer le restant des données. Il n’est pas exclus que je les ajoute dans une prochaine mise à jour dans une catégorie à part. Plusieurs sont cependant référencés dans les bases de données, mais pas conservés pour l’analyse finale.

Les prix littéraires francophones hors-Québec ou canadiens sont exclus tout simplement parce qu’ils dépassaient la limite géographique de cette recherche. Il n’est pas exclus que je les ajoute dans une prochaine mise à jour dans une catégorie à part. Plusieurs sont cependant référencés dans les bases de données, mais pas conservés pour l’analyse finale.

J’aurais beaucoup aimé ajouter une catégorie d’analyse en fonction des membres du jury (genre, métier, etc.), mais j’ai dû repousser cet angle d’analyse à une prochaine année par manque d’information ou de la difficulté d’obtention.

Tous les gains et nominations des prix littéraires ont été doublement vérifiés, lorsque possible, à l’aide de la base de données de la BANQ recensant un important nombre de prix littéraire au Québec et du site Internet du prix littéraire recensé. J’ai tout de même inclus les prix littéraires non référencés à la BANQ ou sur un site Internet. Si un conflit existait entre les informations de la BANQ et du site Internet (et elles étaient nombreuses), j’ai cherché dans les journaux et les communiqués de presse pour départager. Si l’information n’était toujours pas disponible, j’ai privilégié l’information contenu sur le site Internet du prix.

Finalement, j’ai regroupé les résultats de la répartition des genres en trois colonnes : Femmes, Hommes et Collectif (je n’ai pas trouvé de personnes non-binaires ou de genre fluide dans les résultats). Lorsqu’il était absolument impossible de déterminer le genre de la personne sur Internet, j’ai simplement exclus des bases de données ce résultat (c’est arrivé une seule fois avec un pseudonyme). Lorsque plusieurs prix sont attribués ou ex-æquo, j’ai mis le nombre de femmes et d’hommes récompensés dans les catégories (c’est pour cela que plusieurs prix dépassent le nombre moyen qu’on pourrait attendre d’eux). Pareillement pour les ouvrages de trois auteur·es et moins. Les ouvrages ou collectifs de quatre auteur·es et plus ont été mis dans les collectifs puisqu’ils influençaient beaucoup trop le restant des données. Contrairement à mon habitude, je n’ai pas distingués les collectifs de femmes des collectifs d’hommes et des collectifs mixtes puisque trop peu significatifs dans cette recherche.

Hypothèses de recherche

Avant d’effectuer cette recherche, j’avais plusieurs hypothèses concernant la répartition de l’octroi des prix; hypothèses qui ont constituées mes catégories d’analyses pour les résultats. Mon hypothèse est que le genre de l’auteur·e, le genre littéraire et l’anonymité ou non de l’œuvre vont influencer sur l’octroi des prix littéraires, mais pas son année de remise. Plusieurs sous-catégories d’hypothèses ont aussi été émises avant la recherche :

La première étant bien évidemment que généralement les hommes obtiendraient la majorité des prix littéraires.

La deuxième était que l’octroi de prix littéraire basé sur un travail anonyme avantagerait massivement les femmes.

La troisième étant que la répartition F/H des nominations influenceraient grandement le choix de la personne récipiendaire du prix, je n’ai pas pu vérifier cette information cette année faute de données suffisantes cette année.

La quatrième est que seul un jury mixte octroyait de manière plutôt paritaire des prix littéraires, je n’ai pas pu vérifier cette information cette année faute de données suffisantes cette année.

La cinquième était que le genre littéraire influencerait fortement qui le gagnerait. Mon hypothèse était que la poésie, la fiction, la SFF (science-fiction et fantasy), la BD, l’essai et l’ensemble de l’œuvre serait majoritairement dominé par les hommes tandis que les livres jeunesses le seraient par les femmes. Je n’avais pas d’opinion sur le théâtre, la nouvelle, la traduction ou le polar/policier

La dernière était qu’on ne verrait pas un progrès significatif dans la répartition des prix selon la date de fondation du prix (bref, que la « société » aurait « évoluée » depuis 1950 et qu’elle aurait plus tendance maintenant à favoriser les femmes).

Les résultats

Avant l’exclusion des différents prix rejetés (limitation géographique, années de départ, langue, etc.), ce que j’appelle la compilation brute, j’ai comptabilisé 96 prix littéraire de 50 organisations différentes. De ce nombre, seuls 82 prix littéraires ont été retenus sur les bases exposées dans la méthodologie. Au cas où on croirait que ces facteurs influencent drastiquement le résultat des données, j’ai tout de même effectué le simple calculs de voir la répartition de l’attribution des prix et j’ai obtenu 619 femmes, 1024 hommes et 12 collectifs (soit 37,7% de femmes, 61,9% d’hommes et 0,7% de collectifs).

Après l’exclusion des différents prix, les données nettes, j’obtiens 586 femmes, 965 hommes et 12 collectifs (soit 37,5% de femmes, 61,7% d’hommes et 0,8% de collectif) soit des résultats suffisamment similaires pour ne pas qu’on pense que j’ai falsifié à escient mes données. À partir d’ici, je ne ferais plus jamais références aux données brutes, mais uniquement aux données nettes.

Le résultat des données nettes semblent assez déprimant considérant que 52% de la population québécoise est constituée de femmes. Nous pourrions poser la question de connaître la répartition F/H des publications avant de poursuivre, mais de tels chiffres ne sont pas comptabilisés au Québec (qu’attendons-nous?); le seul pays où j’ai pu trouver une telle statistique est l’Australie où le 2/3 des publications sont faites par des femmes (bref, beaucoup plus que le ratio dans la population et si un tel ratio était similaire au Québec, rien ne nous empêche de le penser, les résultats concernant la répartition des prix est encore plus dramatique).

Cette réalité m’a aussi amené à poser la question suivante : qu’est-ce qui est considéré comme réellement paritaire (ou encore égalitaire) considérant que s’il y a avait une répartition 50/50 des prix littéraires, nous serions encore éloigné de la réalité de la représentation des femmes dans la population ou la publication? Faudrait-il créer des catégories de prix non-mixtes pour les femmes ET pour les hommes pour chaque afin d’être sûr de vraiment pouvoir bien illustrer le portrait littéraire? J’avoue ne pas avoir de réponses satisfaisantes à ces questions, doubler le nombre de prix n’aidera pas vraiment personne en ce sens que les bourses et le mérite serait probablement divisé en deux (sans compter qu’un des effets pervers de cette mesure pourrait être de n’accorder d’importance qu’aux résultats des hommes, en témoignent les championnats de sport) et exclurait de facto les personnes non-binaires.

Peut-être que favoriser une meilleure parité dans les nominations pourraient être une piste de départ, je prends par exemple les Prix des librairies, catégorie Romans où à sept reprises depuis 1995, que des hommes ont été nominés, mais jamais 5 femmes ne l’ont été; ce qui devrait apparaître comme douteux. En tout, on compte 63 hommes (54,8%) et 52 femmes (45,2%) pour les finalistes au Québec et 83 hommes (72,2%) et 32 femmes (27,8%) pour les finalistes hors Québec. Cela ne semble pas avoir une incidence directe sur les prix (66,7% des prix ont été décernés à des hommes au Québec et à l’étranger, bref, au Québec, la différence avantage les hommes de 11,9%, à l’étranger elle le défavorise de 5,5%, les prix littéraires jeunesses ne semblent pas montrer une incidence direct de la sélection sur la probabilité de gain). Bref, une telle mesure ne donnerait peut-être même pas de résultats concrets, bien qu’une recension comparative plus grande sera nécessaire pour vraiment obtenir une plus grande certitude quant à l’effet des nominations. Au mieux, les nominations devraient tout de même réussir à montrer qu’il n’y a pas une hégémonie masculine dans ce qui est considéré comme les meilleurs livres de l’année.

À la question de savoir ce qui est serait acceptable, j’avoue ne pas avoir de réponse. Mon idée de ce qui est paritaire est différente de celle d’une autre personne. Nous pourrions argument que 50/50 est l’idéal, qu’un écart statistique de 5% avec la moyenne est acceptable, mais d’autres pourraient aussi mentionner que seul le ratio 52/48 (si ce n’est pas le ratio de la population, prendre le ratio inconnu de l’édition serait tout aussi intéressant) est idéal comme d’autres pourraient très bien trouver un écart de 10% parfaitement acceptable ou encore refuser de se prononcer tant qu’on n’a pas le ratio de publication initial. Le ratio lui-même serait sujet à ce genre de question, mais le problème ne viendrait alors plus des prix, mais des éditeurs; peut-être le tort est-il partagé, mais encore une fois, le seul pays pour lequel nous avons retrouvé une statistique favorisait la publication des femmes. C’est pour cela que je présenterais des chiffres sans nécessairement juger de ce qui est acceptable ou non (quand il n’y a pas ou très peu de femmes, je ne me gênerais pas cependant).

Répartition du déséquilibre des prix

Maintenant que nous savons que seuls 37,5% des prix sont attribués aux femmes, il faut jeter un coup d’œil sur la répartition des prix. Certaines catégories sont-elles favorisées plutôt que d’autres? Comment les prix sont-ils distribués? Est-ce que certains prix privilégient uniquement des hommes et c’est uniquement eux qui débalancent les statistiques des autres prix?

Une analyse ordonnée par pourcentage nous renseigne bien sur cette répartition. On observe tout de suite que six prix littéraires n’ont jamais octroyés de prix à des femmes (dont les dates de début peuvent certes être récentes (c’est entre autre pour ça que j’ai exclu les prix ayant débuté les deux dernières années), mais des fois, c’est plus aberrant : 2014 (x2), 2013, 2012, 2011 & 1999 (pour le prix Bédélys Monde). D’autres prix plus vieux sortent du zéro absolu en ayant octroyé un seul prix à des femmes, c’est le cas du Bédélys Québec (1999), Bédélys Indépendant (2008; ce dernier a aussi un collectif), Prix Michel-Tremblay (2009), Prix Bédéis Causa – Prix Albert-Chartier (2013; ce dernier a cependant aussi un collectif) et le Prix Bédéis Causa – Grand prix de la ville de Québec (2013).

Une autre chose qui se dégage est aussi qu’outre les 5 prix ayant exactement 50% de femmes, 22 prix ont plus de femmes récipiendaires du prix et 55 prix ont plus d’hommes. Bref, nous pouvons écarter rapidement la théorie que seuls quelques prix dé-balancent fortement la répartition. Si on voulait vraiment jouer à ce jeu et que nous ôtions les 5 prix sans femmes; le pourcentage ne monterait qu’à 38,6% (de 37,5% précédemment calculé), un gain de 1,1% seulement.

Ainsi qu’on l’observe seuls 37 prix littéraires (sur 82) ont 40% et plus de femmes; bref, 45 (ou 54,9%) prix littéraires ont MOINS de 40% de femmes récipiendaires; ce n’est donc pas une poignée de prix qui ont des problèmes, mais bien la majorité.

Répartition du déséquilibre des prix par date

Un argument peut être soulevé quant au fait que les plus vieux prix pourraient influencer fortement la répartition F/H puisque « la société québécoise a évolué depuis les années ’60 et que nous sommes maintenant une société plus égalitaire ». Voici donc le même exercice, mais avec les prix, par date de fondation, séparés par décennie (à coup de 20 ans) :

Les 4 prix de 1946 à 1959 : 62F 151H 0C (29,11%)
Les 6 prix de 1960 à 1979 : 89F 146H 0C (37,87%)
Les 30 prix de 1980 à 1999 : 310F 446H 3C (40,84%)
Les 42 prix de 2000 à 2014 : 125F 222H 9C (35,11%)

[et pour le petit exercice, parce qu’on va me le reprocher :

de 2000-2013 : 35,8%
de 2000-2012 : 36,2%
de 2000-2011 : 36,8%
de 2000-2010 : 37,1%
de 2000-2009 : 36,5%
de 2000-2008 : 37,4%
etc.

Donc toujours en bas des prix de 1960 à 1979 & des prix de 1980 à 1999 même si on exclut plusieurs années de 2000]

Bref, malgré une évolution apparente, les prix ayant débuté en 2000 ont une répartition statistique inférieure aux décennie de 1960 à 1999 ce qui ne nous permet pas de conclure à une amélioration.

Je jette aussi un coup d’œil rapide aux 4 prix de 1940 à 1959 puisqu’ils illustrent plutôt bien qu’il n’y a pas d’ « évolution » dans leur attribution individuel, mais peut-être un peu au niveau collectif.

Médaille de l’Académie des lettres du Québec :
1946 à 1959 : 2F 2H (50%)
1960 à 1979 : 1F 4H (20%)
1980 à 1999 : 5F 11H (31,3%)
2000 à 2016 : 2F 12H (14,2%)

Prix Champlain du Conseil de la vie française en Amérique et du Salon international du livre de Québec – Prix Champlain :
1957 à 1959 : 0F 2H (0%)
1960 à 1979 : 3F 19H (13,6%)
1980 à 1999 : 4F 16H (20%)
2000 à 2016 : 5F 7H (41,7%)

Prix de la gouvernance générale – Romans et nouvelles de langue française :
1959 : 0F 1H (0%)
1960 à 1979 : 8F 11H (42,1%)
1980 à 1999 : 8F 12H (40%)
2000 à 2016 : 13F 4H (76%)

Prix de la gouvernance générale – Études et essais de langue française :
1959 : 0F 1H (0%)
1960 à 1979 : 2F 19H (9,5%)
1980 à 1999 : 5F 15H (25%)
2000 à 2016 : 4F 13H (23,5%)

Bref, malgré une évolution presque marquée pour les prix Champlain et des Romans et nouvelles (gouvernance générale), les deux autres prix ne permettent pas de démontrer une «évolution» dans l’attribution des prix. Seul une fois additionnés, les résultats semblent marquer une certaine amélioration.

1946 à 1959 : 2F 6H (25%)
1960 à 1979 : 14F 53H (20,9%)
1980 à 1999 : 22F 54H (28,9%)
2000 à 2016 : 24F 36H (40%)

Je pense effectuer un travail analytique plus détaillé de tous les prix par décennie (ou pourquoi pas par année un jour?) l’année prochaine pour pouvoir définitivement conclure à une amélioration ou non dans les prix littéraires (plutôt que de se pencher sur un mini échantillon dont la moitié amène à penser que oui, l’autre non bien que l’ensemble un peu, oui), mais encore une fois, ce travail demande du temps que je n’ai malheureusement pas eu cette année.

Bref, malgré des progrès certains, quoi qu’encore très fragile, pour les droits des femmes dans la société; ceux-ci ne semblent pas s’être particulièrement bien transposés dans une meilleure répartition de l’attribution de prix littéraire.

Répartition du déséquilibre des prix par genre littéraire

Je mentirais si je disais qu’en compilant les prix je n’avais pas déjà remarqué d’important écart dans la répartition des prix en fonction du genre littéraire. J’y reviendrais, mais quand j’ai commencé à rentrer le prix Bédélys (BD) dans mes bases de données, je suis tombé sur le cul pour ainsi dire. Heureusement, son «  »concurrent » » au Québec, le Bédéis Causa fait meilleure figure, mais malheureusement, certains genres semblent définitivement privilégier un entre-hommes. En ordre alphabétique de genre donc :

BDs

Définitivement la pire catégorie en ce qui à trait à la répartition. D’un autre côté, seuls deux organismes offrent ces prix et je crois nécessaire ici, exceptionnellement, de les séparer.

Les prix Bédéis Causa, très récents, pourrait faire beaucoup beaucoup mieux au niveau de certains prix (Maurice-Petitdidier, traduction et le grand prix de la ville de Québec), mais au moins deux de ses prix n’excluent pas complètement les femmes et pourraient même être considérés dans un zone paritaire idéale (un prix est 50-50, l’autre une différence d’un homme fait pencher la balance)!

Le prix Bédélys, beaucoup plus vieux celui-ci, semblent être à la rame. À part les prix spéciaux du jury et les prix jeunesses (qui semblent privilégier traditionnellement les femmes, j’y reviendrais), deux prix ne récompensent qu’une seule femme et un prix aucune (depuis 1999!!!). De tels chiffres devraient vraiment tirer une sonnette d’alarme.

Pour conclure rapidement, seuls deux prix BDs semblent dans la zone paritaire tandis que le reste m’apparaît complètement aberrant. C’est probablement une des illustrations les plus flagrantes des inégalités dans le monde littéraire. Les problème du prix Angoulême peuvent sembler un problème européen, mais il est bel et bien présent aussi au Québec.

Ensemble de l’œuvre

Je vais mentionner tout de suite être un peu malaisé par les genres littéraires ayant très peu de prix puisque je pense que les résultats peuvent être statistiquement peu significatifs (un seul prix pouvant fortement influencer les résultats), mais je les mets tous de même puisqu’ils restent parlant.

Ainsi qu’on peut le voir, à l’exception du prix du Metropolis bleu, l’ensemble de l’œuvre ne semble pas être si souvent décernés aux femmes (une auteure sur quatre) confortant cette idée du grand auteur masculin.

Essai

Malgré la grande admiration que je porte à Michel Biron, je n’ai pu m’empêcher d’être surpris par ses paroles sur les essais des femmes dans La Presse où il affirmait « Il y a moins de femmes qui ont écrit des essais, […] -Et pourquoi pas des essais féministes ? Il y en a quelques-uns. -Oui, c’est vrai, répond le professeur. Mais j’estime que c’est un sous-corpus en soi. ». Je travaille dans une librairie féministe et je dois avouer qu’effectivement, les femmes semblent un peu moins présentes dans les essais généraux lorsque les diffuseurs viennent nous parler des nouveautés, mais leur production est tout de même présente. Reléguer les essais féministes à un sous-corpus peut être intéressant au niveau de l’analyse, mais je suis persuadé· que le Deuxième Sexe est aussi important pour l’histoire littéraire, académique et sociale que l’Histoire de la sexualité de Foucault ou L’Être et le Néant de Sartre. Les essais féministes sont légion(ne)s et exclure (sciemment ou non) ceux-ci des essais, c’est aussi exclure l’importance des Beauvoir, Butler, d’Eaubonne, Despentes, Dumont, Friedan, Groulx, Haraway, hooks, Wittig, etc. de l’histoire.

Cette absence, toute relative soit-elle (j’attends toujours des statistiques de publication), ne se traduit pas non plus par une absence totale non plus (bien que d’immense progrès sont encore nécessaires). Je n’ai croisé peut-être que quelques essais rattachés de plus ou moins loin au féminisme récompensés dans ces prix littéraires (ce qui pose deux autres questions : y a-t-il un processus de non-considération de ces essais? et à quand un prix littéraire pour les essais féministes?).

Je ne crois pas avoir beaucoup à rajouter quant au fait que l’absence des femmes se fait tout de même remarquer. Malgré effectivement les Monique LaRue et Régine Robin qui se démarquent souvent dans les corpus universitaires et prix littéraires, la place n’est toujours pas libre quant à la reconnaissance des femmes pour le genre de l’essai.

FictionFiction

C’est peut-être un des genres les moins stéréotypés au niveau du genre dans l’imaginaire, l’abondante production aide probablement à brouiller les frontières et faciliter cette pensée. Dans la réalité cependant, seuls 38,3% des prix seront remis à des femmes. Au moins, les prix individuels semblent très libres dans ces attributions avec 6 prix sur 14 (42,9%) ayant au moins 50% de femmes malgré 7 prix (50%) ayant moins de 40% de femmes parmi ses gagnant·es.

Ce genre de prix semble ainsi être une belle fenêtre de l’ensemble des prix littéraires et peut-être qu’un de nos meilleurs indicateurs est justement d’observer scrupuleusement qui gagne ces prix si prestigieux à l’étranger (Goncourt, Médicis, Fémina, etc.) comme au Québec. Je n’exclue pas, l’année prochaine, d’approfondir cette hypothèse pour voir à quel point les prix de fiction sont représentatifs de l’ensemble des prix (en fonction notamment de l’année de publication).

Jeunesse

Mon hypothèse initiale était que les prix littéraires jeunesse favoriserait les femmes, ce qui n’est pas exactement le cas et la répartition semble être très proche de la parité. 8 des 17 prix ont au moins 50% de femmes récipiendaires et dans les neufs autres, on compte 3 prix qui ont des collectifs qui dé-balancent cette statistique (on peut donc assumer qu’un peu plus de la moitié compte au moins 50% de femmes ce qui n’est pas si mal).

Une analyse rapide plus poussée sur l’âge du public visé ne permet pas non plus de distinguer vraiment une période d’âge plus prononcée qui favoriserait ou non les femmes bien que plus l’âge du destinataire est élevé, plus il « semble » favoriser les hommes, mais ce calcul reste assez difficile à bien cibler et il me faudrait vraiment évaluer les tranches d’âge de tous les livres un par un pour conclure définitivement à quoi que ce soit. Ce projet est une recherche en soit et j’encourage fortement les intéressé·es à analyser cette question plus en profondeur (je sais que je ne pourrais jamais faire ce travail à fond dans le cadre d’un billet plus général puisque ça demande son analyse complète séparée).

Bref, le genre littéraire pour la jeunesse est plus égalitaire bien que je me pose toujours la question, comme pour les autres genres, de la proportion de livres jeunesse écrits par les femmes à la base (serait-ce vraiment 50-50 ou les femmes écrivent-elles plus de livres jeunesses dû à leur attribution de rôle social de mère? Est-ce que cette proportion change avec l’âge cible?).

NouvelleNouvelles

La nouvelle est probablement le genre qui m’a le plus favorablement surpris avec une certaine prédominance des femmes (toute relative soit-elle; nous n’atteignons jamais les niveaux d’attribution de prix à des hommes dans d’autres genres littéraires; de même, bien que tous les prix sauf un ont au moins 50% de femmes, le seul prix qui ne l’est pas possède un pourcentage d’attribution aux hommes plus élevés (70,6%) que tous les autres prix l’ont pour des femmes) dans leur attribution.

Cela semble être une belle répartition des prix littéraire.

Ouvrage illustré

On le mentionne, mais un seul prix ne permet pas de conclure à quoi que ce soit (sauf sur le prix lui-même). On apprécie cependant les résultats de ce dernier.

Poésie

Une autre surprise de ma part, il y a beaucoup plus de femmes récompensées que je ne le pensais initialement, 4 prix sur 10 ont même 50% et plus de femmes! Il y a cependant une nuance importante sur laquelle je reviendrais dans ma prochaine catégorie d’analyse : si 3 de ces 4 prix sont décernés à des textes soumis anonymement, le reste n’augure pas aussi positivement. Si on excluait ces prix, seul 1 prix sur 7 aurait plus de 40% de femmes (tout le reste est sous cette barre).

Bref, il s’agit d’un genre littéraire qui mérite vraiment d’être observé à travers une autre lentille que sa simple répartition pour vraiment voir émerger des tendances.

Polar/Policier/Thriller

Un genre qui compte pourtant dans son ADN et sa reconnaissance sociale d’importantes contributions de femmes (d’Agatha Christie à Chrystine Brouillet au Québec), mais qui ne se traduit pas en terme de prix littéraire, mais uniquement en vente (le prix Tenebris – meilleur vendeur se distingue). Les deux prix fondés en 2002 et 2005 n’ont décernée des prix qu’à trois femmes et un nouveau en 2012 n’a pas encore décerné de prix à une femme malgré 5 hommes récipiendaires.

Une immense déception, les organismes qui octroient ces prix devraient commencer à y réfléchir sérieusement.

Promotion

On le mentionne, mais un seul prix ne permet pas de conclure à quoi que ce soit (sauf sur le prix lui-même). La durée reste relativement courte, mais semble quand même plutôt favoriser les hommes (le collectif est celui de la librairie D&Q qui est quand même très féministe, donc c’est assez cool de ce côté!). On reste toujours dans cet univers BD très masculin.

Science-fiction & Fantasy

Une des bien belles surprises considérant la perception du genre par la société comme étant très masculine malgré d’importantes contributions et influence des femmes dans ces genres littéraires. De plus, le seul prix qui fait drastiquement baisser la moyenne est un prix dont les soumissions sont anonymes.

Peut-être le prix Solaris devrait faire des efforts supplémentaires pour cibler les femmes dans leur promotion du prix? Je sais qu’ils compilent des statistiques en fonction du genre des envois et que les hommes dominent largement ce nombre d’envoi (ce qui se reflète dans l’attribution des prix), il est possible que les efforts soient déjà très présent (tant mieux!!), mais il faudrait aussi repenser en fonction des résultats que les efforts déployés ne sont pas les bons. Je ne connais cependant pas du tout les personnes derrière le prix Solaris et aimerait beaucoup ne pas présumer à tort des efforts mis.

Théâtre

Pour un auteur qui a accordé une importance primordiale aux femmes dans son œuvre, le prix Michel Tremblay ne semble pas refléter cette réalité. Les autres prix de théâtre ne semble pas non plus leur accorder une si grande place.

Ces réflexions sur la place des femmes dans le théâtre sont régulièrement remis à jour sur la place publique, par Pol Pelletier ou des collectifs de femmes en passant par des dossiers consacrés dans des revues (le dernier en date) ou des livres sur le sujet (le dernier en date); la réflexion ne cesse de se poser depuis les années ’70 (avec d’autres dossiers spéciaux dans les revues, d’autres publications et d’autres collectifs). Le théâtre est loin d’être seulement de la publication, ce sont des comédien·nes, des salles de spectacle, des publics, des performances parfois hors scène, des créations collectives et individuelles, d’importants sommes d’argent qui circulent et sont octroyées, etc. Toutes ont leur propres réflexions féministes sur la place accordés aux femmes et aux représentations de celles-ci sur la scène ou dans l’espace public.

Ce n’est donc pas une surprise de constater qu’un tel débat aussi devra se poser sur la place des femmes dans les prix décernés pour le théâtre (dont je n’ai pas trouvé de trace nul part encore). Le théâtre est une des seules catégories à posséder des prix nommés après une femme (l’autre étant la fiction), mais ça ne semble pas aider du tout dans son attribution.

Toute catégories confondues

On le mentionne, mais un seul prix ne permet pas de conclure à quoi que ce soit (sauf sur le prix lui-même).

Traduction

Un autre de ces rares prix favorisant les femmes s’il n’était du prix Bédéis Causa (encore une fois, la BD…). Sinon, nous n’avons que le prix de la gouvernance générale et on le mentionne, mais un seul prix ne permet pas de conclure à quoi que ce soit (sauf sur le prix lui-même).

Répartition des prix : soumis anonymement à un jury ou non?

Ma deuxième hypothèse portant sur le fait que les œuvres soumis anonymement à un jury avantagerait de manière très significative les femmes. Il s’avère que c’est effectivement le cas et dans une proportion qui ne laisse pas de doute quand au fait que le genre de l’auteur influence définitivement dans son attribution de prix.

On parle d’une différence de 18%. Une différence qui fait en sorte que plus de femmes se font attribuer des prix littéraires que des hommes lorsque la soumission est anonyme. Une proportion excessivement proche de la population des femmes au Québec (52%).

L’anonymité d’un texte littéraire permet justement d’exclure beaucoup de préjugés (non stylistique) de la sélection et du texte gagnant ce qui avantage beaucoup les femmes dans ce processus, mais aussi, probablement, d’autres personnes marginalisées des cercles et prix littéraires pour différentes raisons.

Si on jette un coup d’œil plus détaillés à ces prix, on voit apparaître aussi d’autres caractéristiques intéressantes :

À l’exception des prix Solaris et Alibis (donc j’ai déjà glissé un mot et justifié que le pourcentage de gagnant·es était similaire aux soumissions), tous les prix (sauf un) ont plus de femmes que d’hommes récipiendaires. Le prix Piché de poésie est aussi le prix avec le plus haut pourcentage de femmes récipiendaires de tous les prix littéraires recensés. Les prix littéraires Radio-Canada (parmi les « grands » au Québec) sont aussi tellement similaires dans leurs répartition, qu’on croirait presque que ce sont les mêmes statistiques! Tous 13 femmes récipiendaires et 7 hommes récipiendaires (sauf celui de la nouvelle qui vient d’être décerné). Le concours de nouvelles XYZ est aussi remarquablement similaire dans sa répartition. Nous avons donc une idée intéressante de ce qui pourrait être une distribution de prix beaucoup plus objective.

Il faut cependant mentionner que ces prix récompensent des formes courtes, un travail sur les genres des soumissions et nominations devraient aussi avoir lieu avant de conclure définitivement à une évaluation parfaitement objective, mais nous avons tous de même un bon aperçu.

Séparer les prix anonymes du reste, en plus de faire chuter la répartition femmes/hommes de 37,5 à 35,1%; faut aussi passer le nombre de prix avec 50% et plus de femmes de 27 à 21 (bref, de 32,9% à 28,8%). La chute peut sembler faible, mais les prix anonymes ne représentait que 9 prix sur 82 (11%) ou encore 209 personnes sur 1563 (13,4%) ce qui affecte les résultats, mais pas de manière aussi significative que si nous avions 50% des prix littéraires anonymes.

Pour conclure

J’ai démontré clairement, je crois, que les prix littéraires n’étaient pas décernés de manière totalement objectives quant au genre de leur auteur·e. Je n’ai certes pas les statistiques de publications des livres, je recommande cependant fortement leur création le plus rapidement possible, mais en assumant plusieurs facteurs dont le fait que les femmes représentaient près de 52% de la population au Québec et qu’elles publiaient probablement plus que les hommes à la base, qu’elles auraient dû représenter au moins 50% des prix décernés, pas 37,5%.

Ce pourcentage de 37,5% est évidemment à nuancer. Dépendamment du genre littéraire du texte, ce pourcentage variait terriblement, dans l’ordre de proportion : Promotion: 12,5%, BD: 15,5%, Polar/policier: 24,3%, Essai: 25,4%, Ensemble de l’œuvre: 28,7%, Toutes catégories confondues: 22,9%, Théâtre: 34,9%, Science-fiction et Fantasy: 35%, Fiction: 38,3%, Poésie: 44,8%, Jeunesse: 48,3%, Traduction: 51,3%, Nouvelle: 56% & Ouvrage illustré: 57,1%. Bref, certains genres semblent définitivement privilégier un entre-hommes (qu’il le soit à la base ou non) et d’autres favoriser un petit peu plus les femmes. Dans ceux-ci cependant, les genre littéraires des nouvelles et de poésie, est fortement influencé par la soumission anonyme des résultats qui privilégient les femmes.

L’anonymité semble définitivement garantir une meilleure représentation des femmes, bien qu’encore une fois nous n’avons pas accès aux pourcentages de soumissions, les résultats semblent fortement avantager les femmes quitte à être la seule à leur garantir une attribution égale (voir supérieure) à celle des hommes. Commencer à juger de plus en plus de livres de manière anonyme peut évidemment s’avérer très complexe pour des livres plus longs et publiés, les juges pourraient très bien lire par accident ceux-ci à l’extérieur de leur sélection, pourraient reconnaître le style de certains auteurs (surtout en BD!) ou encore des mises en page de certains éditeurs (même si les textes étaient envoyé sans couverture et paratexte ou en version électronique sans aucune marque).

Je ne demanderais donc pas réalistement à ce que tous les prix littéraires soient jugés de manière anonyme bien que je ne découragerais pas non plus de telles initiatives lorsque possible. Ce qui peut être fait par exemple, pour plusieurs prix, c’est déjà de regarder leur historique (je l’ai fait pour vous!) et de se poser des questions sur les soumissions (est-ce que mes soumissions sont tous des hommes? anonyme? ou des sélections des éditeurs et éditrices [qu’envoient-illes]?), les nominations (il n’est pas normal d’avoir, par exemple, régulièrement 5 hommes finalistes ou 4H et 1F, mais jamais 5 femmes) ou encore le jury (l’idée de prendre la personne gagnante du dernier prix dans la sélection est une bonne idée, mais peut aussi reconduire des hommes à être encore et encore juré). Finalement, il pourrait être une bonne idée que les juré·es se posent aussi ces questions dans leur évaluation de l’œuvre bien qu’ultimement, je peux, et devrait, leur faire confiance quant à leur analyse stylistique ou autre de l’œuvre.

Je ne suis personnellement pas convaincu· à l’idée que les prix littéraires récompensent vraiment les meilleur·es auteur·es, pas uniquement en raison des résultats de ce billet, mais aussi de toute l’idée d’avoir de meilleur·es auteur·es que d’autres (je pense que chaque œuvre à ses qualités propres et qui peuvent être excessivement difficile à séparer). J’accorde cependant toujours beaucoup d’importance aux finalistes et nominés puisque, volontairement ou non, il y a toujours un regard critique et intéressant qui est posé sur un ensemble d’œuvres et que certaines se démarqueront toujours des autres, regard évidemment de l’époque durant laquelle il est émis. C’est entre-autre pour cela qu’un regard plus objectif sur les finalistes et gagnant·es est nécessaire, non seulement pour des questions de représentation ou de parité, de symbole ou de modèle; mais aussi pour une question d’argent (non négligeable quand on est auteur·e) et de reconnaissance, de subventions à venir et d’opportunités offertes par la suite, de lectorat et de ventes. Les prix littéraires sont un reflet de ce que la société (mais peut-être une partie très petite de celle-ci) pense de la littérature et du monde. Si seulement 37,5% des récipiendaires sont des femmes, qu’est-ce que ça nous dit du jugement esthétique des œuvres de femmes?

Remerciements et historique de modifications

Merci à toutes ces personnes qui ont suggéré des modifications que j’ai effectuées pour rendre ce billet plus rigoureux et encore meilleur au fil du temps (parce que tout travail se fait grâce aux autres ou au minimum s’inspire du leur):

Audrée Whilelmy; Changer le prix littéraire de Radio Canada catégorie récit du genre littéraire de fiction à celui de la nouvelle (il s’agit du même nombre exactement de mot à soumettre que la catégorie nouvelle) [modification effectuée le 20 octobre 2017].

Calculer l’absence de marginalités

Dans la prolifération des dénonciations, à juste titre, des all male panel (conférences composées uniquement d’hommes), regroupements de politiciens mâles et/ou blanc·hes seulement, etc. des commentaires sur la probabilité de telles occurrences ne cessent de se voir dans le paysage des commentaires sous les publications. Les pages qui dénoncent cet élitisme, ce sexisme ou ce racisme comme le Tumblr allmalepanel, les pages Facebook Décider entre hommes ou Décider entre blancs, etc. sont nombreuses et justifiées, mais qu’en est-il réellement au niveau statistique?

Outre le fait que ces commentaires semblent estimer que les femmes sont minoritaires dans la population, parce qu’on ne les voyait pas traditionnellement et que leur simple présence semble annoncer une invasion pour plusieurs commentateurs (et commentatrices). Pourtant, au Canada, les femmes constituent 50,4% de la population. Dans le monde, le pourcentage de femmes dans la population baisse légèrement (passant de plus de 50% en 1960 à 49,55% en 2016) [un chiffre notamment influencé par certains pays aux populations très nombreuses et à la faible proportion de femmes], mais reste très proche du 50%. Bref, l’invisibilité des femmes semblerait totalement improbable dans des conditions idéales d’opportunité des chances puisqu’elle constitue dans les faits et statistiques la moitié de l’humanité.

Ce ne sont pas que les femmes qui sont absentes des conférences, groupes politiques, du corps professoral, de certains emplois ou de l’espace public en général. Les populations racisées le sont aussi. Le terme souvent employé de « minorité visible » contribue certainement à cette absence d’attente dans la population. Dans les faits, il s’agit quand même d’une importante partie de la population. Par exemple, dans les sociétés autour desquelles je gravite, on compte 20,3% de « minorité visible » à Montréal, 1 personne sur 5, 11% au Québec et 19,1% au Canada (source). Aux États-Unis, ce chiffre monte à 27,6%. Leur absence dans une conférence d’une dizaine de personne devrait donc être une source de questionnement pour l’organisation d’une telle conférence.

Cependant, la question de « C’est juste une coïncidence, un hasard » ou « C’est quand même probable au nombre de conférences qu’il y a » revient constamment et en effet, c’est possible, improbable souvent, mais définitivement possible. J’ai donc décidé de créer un outil qui permettrait d’effectuer ce calcul et de montrer à quel point l’argument est fallacieux en montrant que les probabilités d’un tel événement sont tellement improbables qu’il s’agit manifestement de mauvaise foi (ou de politique identitaire blanche), de discrimination à l’embauche, de sexisme, de racisme, etc. de la part d’organisations, employeur·es, politicien·nes, etc.

Prenons simplement un exemple pour les départements de philosophie au Québec qui comptent 25% de femmes professeures à l’université, 28% au cégep (source), à l’université de Montréal, ça se traduit par 8 femmes sur 31 professeur·es (26%) (source, page consultée le 20 juillet 2017), un chiffre vraiment minuscule.

Aperçu du calculateur

Le calculateur

Un deuxième exemple: les formations politiques québécoises sont aussi aberrantes, le PLQ, le parti politique au pouvoir au moment de l’écriture du billet avait présenté 35 femmes à la dernière élection, soit 28% de toutes les candidatures; la CAQ fait encore plus piètre figure avec 27 candidatures (21,6%), seul QS avait présenté une égalité de candidats et candidates [le PQ avait 36,8% de candidature féminine] (source).

Avec l’outil créé, nous pouvons voir que les chances que cela se produise dans une société idéale sont quasi-impossible. Résultats : les probabilité pour que ça arrive pour le PLQ sont d’environ 0,000029%, la CAQ 3,31×10-9 % (8 zéros après la virgule!), pour le PQ c’est de 1,51%. Par comparaison, pour qu’un parti ait une représentation paritaire comme QS, la chance est de 50,02%.

Dans le cas du département de philosophie de l’UdeM, la probabilité d’avoir 8 femmes ou moins est de 4,7% (environ 1 chance sur 20). C’est en effet probable, mais le fait que toutes les universités du Québec accuse le même chiffre montre bien que la cause de l’absence de femmes n’est pas de cause probabiliste, mais bien ailleurs. Si les autres universités accusaient une présence paritaire de femmes et d’hommes ou même beaucoup plus de femmes dans certains départements, là, il serait en effet probable (pas certain, probable) qu’une anomalie statistique se soit causé, mais encore une fois, de l’ordre d’une chance sur 20.

Un dernier exemple sur l’impossibilité de certaines scènes avant de parler de l’outil en lui-même: la photo où Donald Trump est réuni avec des dirigeants républicains (le masculin est utilisé intentionnellement ici) pour célébrer la Chambre d’adopter un projet de loi visant à abroger et à remplacer l’Obamacare.

Cette photo qui a causé, avec raison, l’outrage un peu partout à travers les États-Unis et à l’international ne fait figurer que des hommes blancs (52 en tout) (et quelques femmes blanches qui n’était pas présentes sur la photo tronquée qui a plus largement circulé), mais les probabilité d’une telle chose dépasse l’entendement. Du côté des femmes (4), la probabilité est de 3,74×10^10% (8 zéros après la virgule). Du côté des personnes racisées, la probabilité est de 8,85×10^18% (16 zéros après la virgule). Bref, on peut conclure sans problème qu’il s’agit d’un parfaite exemplification des conséquences de politiques identitaires blanches, de telles probabilités sont pour ainsi dire tellement improbables qu’elles pourraient être aussi bien impossibles.

Comment fonctionne le calculateur et comment l’utiliser?

Le calculateur utilise une formule mathématique: P(k parmi n)=(n! / (k!(n-k)!))(pk)(qn-k) qui calcule (pour utiliser des mots savants) les probabilités exactes binomiales d’un événement k parmi n. Ce que ça veut dire, c’est que le calcul détermine quelle est la chance que la valeur k se produise dans n. En remplaçant les valeurs k et n par un chiffre, on détermine quelles sont les chances qu’une situation se produise réellement.

Il existe deux réponses dans mon calculateur : la première détermine quelles sont les probabilités qu’exactement k arrive sur n. Par exemple, quelle est la chance qu’exactement 10 conférencières soient présentes dans une conférence de 20 personnes. La valeur obtenu de ce calcul ne nous intéresse pas vraiment puisque la probabilité ne nous donne pas vraiment d’indications intéressantes pour une question de représentation. C’est pour ça qu’il y a une deuxième réponse juste en dessous qui nous offre une vraie probabilité intéressante.

La seconde réponse nous donne la probabilité que 10 conférencières ou moins soient présentes dans une conférence de 20 personnes, c’est à dire qu’il va additionner toutes les probabilité de 0 à 10 conférencières présentes à l’événement pour donner une estimation finale plus précise. Pour finir l’exemple, la probabilité dans ce cas très précis tournera autour de 50% puisque, grossièrement, la répartition homme/femme est sensiblement la même dans la population et que la moitié du panel serait au moins constitué de femmes. En bas de 10, les probabilité diminuent, en haut, elles augmentent (jusqu’à 100% lorsqu’on pose la question de quelle est la probabilité que 20 conférencières ou moins soient présentes). Sans être un excellent indicateur, il donne tout de même une bonne idée des probabilités d’un tel événement lorsque k est plus faible. Au moment où k est la moitié de n dans notre exemple, nous ne voyons pas trop la pertinence d’un tel outil puisque la parité est atteinte.

Dans un autre exemple avec une population marginalisée beaucoup plus minoritaire, le k devient de moins en moins pertinent au fur et à mesure qu’il atteint le ratio de base de sa présence dans la population. Par exemple, dans une proportion de personnes racisées de 0,11 (au Québec), le fait d’avoir 11 personnes racisées dans un événement de 100 personnes pourrait être correct (sa probabilité est de 57,9%) et le calcul ne serait pas trop nécessaire dans ce cas. Mais si on se donnait l’exemple du défilé de la Saint-Jean en 2016 et qu’on observait qu’il y avait 50 chanteurs et chanteuses, la probabilité qu’il n’y ait aucune personnes racisées n’est que de 0,3% (en fait, ça devrait même être de 0,001% puisqu’à Montréal, la proportion de personnes racisées est de 20,3%); bref, on constate bien un problème statistiquement.

Pourquoi je n’utiliserais pas ce calculateur?

Malgré le temps mis à créer cet outil et l’usage pertinent qu’on peut en faire, je ne l’utiliserais probablement jamais. Pourquoi? Ce n’est pas un outil objectif, il ne fait que calculer la probabilité qu’un tel événement survienne: il ne donne aucune information sur le sexisme, racisme, anti-capacitisme, etc. d’un groupe ni sur ses causes. Il mesure les conséquences de dynamiques et structures sans tenir compte des causes ou en proposant une ou des solutions adéquates (il ne suffit pas de constater : « ah!, il me manque une personne homosexuelle, allons donc en solliciter une » qui reviendrait à simplement faire du tokenisme et n’adresse nullement le problème initial qu’il soit structurel, volontaire ou autre).

Plusieurs solutions bien connues existent déjà pour adresser les inégalités, des CVs anonymes à la discrimination positive, et ne sont tout simplement pas mises en place parfois. D’autres, comme pour des soumissions de communications de colloques et de conférences, pourraient grandement s’inspirer des soumissions anonymes. Semblablement pour les prix littéraires encore trop souvent attribués aux hommes, les prix de nouvelles, récits, poésie, etc. dont les soumissions sont anonymes obtiennent des résultats favorisant beaucoup plus les femmes que les prix non anonymes qui favorisent les récipiendaires masculins.

Une simple sensibilité, prise de conscience, radicale à la question est aussi de mise. Alors que le Québec s’insurge (avec raison) contre l’absence de chanson en français dans une compilation de 6 DC pour le 150e anniversaire du Canada, on semble complètement mettre de côté l’absence de chanson dans une langue autochtone (tandis que quelques semaines plus tôt, on trouvait normal de voir une tonne de personnes blanches chanter pendant que des personnes noires poussaient un chariot ; outre la question de l’évocation de l’esclavage, reste qu’il est encore une fois très improbable/impossible que seules des personnes blanches se retrouvent en train de chanter).

La question de quelle probabilité obtenir pour être dans la marge acceptable est aussi une question sans réponse véritable. Je pourrais très bien dire complètement arbitrairement qu’à partir de 40% c’est acceptable, mais ça reste un jugement éthique sans fondement quelconque. Pour certaine personne, une probabilité en bas de 45% serait inacceptable, pour d’autre, nous n’aurions pas atteint la parité tant et aussi longtemps que les chances ne sont pas d’un moins 50%. Enfin, pour des événements récurrents nombreux et réguliers, abaisser les pourcentage à 25% pourrait se justifier puisque certains événements dépasseraient le 75% tandis que d’autres se situeraient autour du 50%.

Aussi, la non-mixité entre personnes marginalisées est aussi très importante (partage et mises en commun d’expériences et de savoir dans un espace plus sécuritaire que d’autres où cette expérience est complètement dévalorisées et moquées) et ainsi calculer la probabilité d’un nombre d’hommes dans un événement non-mixte de femmes s’avère absolument inutile et contre-productif.

Finalement, mon outil pourrait s’avérer un peu inutile à beaucoup d’endroits où on ne connaît pas la proportion de personnes marginalisées sur la population étudiée. Par exemple, pour vraiment savoir si les étudiantes sont absentes d’un colloque étudiant sur la géographie, il faudrait pouvoir connaître la proportion d’étudiantes en géographie et non la proportion de femmes à Montréal, au Québec ou dans le monde. Si cette dernière s’avérait être minuscule, hypothétiquement de 1%, notre calcul serait un peu inutile bien honnêtement, peu importe le chiffre qui sort, il y a un problème à régler en amont avant d’adresser spécifiquement le cas du colloque (bien qu’il pourrait aussi être adresser dans un contexte de discrimination positive, mais ce n’est pas le sujet de mon billet).

Dans quelques rares cas aussi, il serait possible d’utiliser cet outil pour justifier l’absence d’un groupe marginalisé en ne ramenant la chose qu’à une question de probabilité tout en évitant d’aller chercher des contributions de ces personnes et ne partageant l’événement qu’à travers nos groupes affinitaires.

Bref, il s’agit d’un outil intéressant, mais qui n’offre vraiment rien de plus qu’un constat mathématique qui se fait de toute manière à l’œil pour qui aura développé cette sensibilité. L’analyse de ratio d’une population marginalisée dans la population globale et du ratio dans un sous-groupe reste un outil beaucoup plus simple, accessible, évocateur et moins trompeur pour analyser des dynamiques oppressives dans un environnement précis.

Répartition hommes/femmes des doctorats honoris causa décernés par l’UdeM depuis 1920 (rapport 2016)

Répartition des doctorats honoris cause en fonction du sexe (1920-2016)

Répartition des doctorats honoris cause en fonction du sexe (1920-2016)
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De 1920 à 2016, 1038 doctorats honoris causa (dhc) ont été remis par l’Université de Montréal à des personnalités de tous les milieux. En constatant une «relative» absence des femmes en 2013 (2 femmes en ont reçu un par rapport à 10 hommes), j’ai décidé d’approfondir la question et de voir si il y avait vraiment une discrimination dans l’attribution des diplômes. Ce troisième billet sur la question est une mise à jour annuel du premier billet.

La base de données que j’ai montée pour effectuer cette recherche est disponible pour consultation, vérification, diffusion, reproduction et pour d’autres recherches si vous voulez (mais merci de me citer).

Voici donc les résultats auxquels je suis arrivé. Des 1038 dhc remis, 930 ont été attribué à des hommes et 108 à des femmes. Au cours des 10 dernières années, 150 dhc ont été remis: 114 à des hommes, 36 à des femmes.

Pour remettre ça en perspective, depuis 1920, il y a une moyenne de 9,6 dhc de remis à des hommes par année et 1,1 dhc/année remis à des femmes. Bref, 10,4% de tous les dhc! Par rapport à l’année dernière, la moyenne totale des diplômes décernée aux femmes a augmenté de 0,1%! Au cours des 10 dernières années, cela monte à 11,4 pour les hommes et 3,6 pour les femmes. Il s’agit là de 24% de tous les dhc. Encore par rapport à l’année dernière, cette moyenne a augmenté pour les femmes de 0,7%.

La médiane depuis 1920 est toujours de 8 pour les hommes et 1 pour les femmes. Au cours des 10 dernières années, elle est de l’ordre de 10,5 pour les hommes et 3 pour les femmes. Ces médianes restent inchangées ont légèrement diminué pour les hommes et les femmes par rapport à l’année dernière dû au faible nombre de doctorat honoris causa décernés cette année (tendance de plus en plus remarqué sous le rectorat de Guy Breton).

Plusieurs faits intéressants, et historiques, ont été observé le premier billet sur la question. Nous n’en avons pas trouvé de nouveaux, mais mis à jour l’un d’entres-eux:

  • Si on joue au petit jeu de sous quel recteur ont a attribué le plus haut pourcentage de dhc aux femmes, on obtient:
    – Guy Breton (2010 – ) 24,4% (20 dhc remis à des femmes) [une augmentation de 0,4% par rapport à l’année dernière dû à un dhc décerné de moins que l’année dernière]
    – Luc Vinet (2005 – 2010) 23,2% (26 dhc remis à des femmes)
    – René Simard (1993 – 1998) 16,9% (13 dhc remis à des femmes)
    – Gilles G. Cloutier (1985 – 1993) 15,3% (13 dhc remis à des femmes)
    – Paul Lacoste (1975 – 1985) 14,3% (8 dhc remis à des femmes)
    – Robert Lacroix (1998 – 2005) 11,3% (13 dhc remis à des femmes)
    – Mgr André-Vincent-Joseph Piette (1923 – 1934) 6% (4 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Olivier Maurault (1934 – 1955) 5,2% (19 dhc remis à des femmes)
    – Roger Gaudry (1965 – 1975) 3,5% (2 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Irénée Lussier (1955 – 1965) 1,7% (2 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Georges Gauthier (1920 – 1923) 0% (aucun dhc remis à des femmes)
    Les résultats ne valent pas grand chose cependant puisqu’une même année est reprise pour deux recteurs et que ce ne sont pas nécessairement eux qui décident de tous les dhc (il s’agit d’un comité créé par le conseil de l’université).

Critiques intersectionnelles qui peuvent être formulées:
Le sexe n’est pas le seul critère de discrimination, l’ethnie, l’orientation sexuelle, la classe, etc. devrait aussi pouvoir être prise en compte dans une analyse qui pourrait être plus intersectionnelle. Bien que ces critères nous tiennent à cœur, nous n’avons pas les ressources nécessaires (temps, accès à des données approfondis sur les honoris causa) pour effectuer cette recherche.
Nous avons cependant pu observé que depuis 2009, grâce aux photos et aux biographies des récipiendaires (ainsi que quelques recherches en ligne), seules une femme autochtone, une femme noire et une colombienne ont reçu des dhc, trois hommes chinois aussi. Ces attributions marquent bien les liens que l’UdeM tentent de tisser avec les universités chinoises depuis quelques années, mais aussi certains événements politiques internationaux comme la remise d’un dhc à Ingrid Bettancourt quelques mois après sa libération. Ces 6 personnes non-caucasiennes (sur 105 dhc donc 5,7%!!) représentent difficilement cependant les pourcentages des minorités visibles au Canada (qui représentent 19,1% de la population canadienne) à l’exception des Chinois qui représentent 4% de la population canadienne. Considérant que les dhc sont quand même décernés à des personnalités de partout à travers la planète (mais plus souvent à des Américains et des Français), bien qu’un grand nombre de Canadiens et de Québécois s’y retrouvent, cette représentation est, dans les faits, encore plus minuscule.
Aucun dhc n’a été décerné à une personne non-blanche cette année.

Conclusions:
Bref, avec toujours moins du quart des dhc ayant été remis à des femmes dans les 10 dernières années et jamais plus du tiers à aucun moment de l’histoire de l’UdeM (sauf durant deux années exceptionnelles), on peut conclure à une discrimination dans l’octroi des doctorats honorifiques et ce malgré les légères augmentations d’un recteur à l’autre. Malgré la publication du billet l’année dernière et mes tentatives de contacter l’UdeM à ce sujet sont restées lettre morte. L’année dernière, j’ai eu l’occasion de partager mes résultats avec le comité permanent sur le statut de la femme de l’UdeM, mais le seul changement de 2016? Un doctorat honoris causa de moins que l’année dernière et toujours autant de blancs (6 canadien·nes et 1 américain).

À venir éventuellement:
Une approche par faculté ou domaine d’étude pour tenter de voir si la discrimination est la même partout.

Source:
Liste chronologique des doctorats honoris causa de l’UdeM
Liste des doctorats honoris causa de 2016

Répartition hommes/femmes du Prix des libraires du Québec

À la suite de l’annonce des nominations du festival international de BD d’Angoulême, il a été possible de reconnaître, encore une fois, que les femmes subissent d’importantes discriminations quant à l’octroi de prix prestigieux. Un récent article du Monde montre bien que cette inégalité ne touche pas que les prix de BD, mais bien tous les domaines artistiques.
Bien que la discrimination semble être la norme, il est possible, parfois, d’y échapper. D’autres fois non. Avec le dévoilement du prix des libraires qui s’en vient, pourquoi ne pas jeter un coup d’œil à ce prix?

Le Prix des libraires du Québec
Le Prix des libraires du Québec est décerné depuis 1994 à des romans québécois et romans hors-Québec. Depuis 2011, on y a ajouté la catégorie jeunesse aussi séparée en Québec et hors-Québec, mais aussi sous-séparé en groupe d’âge (0-5; 6-11; 12-17 ans). Finalement, depuis l’année dernière, un prix de poésie, au Québec seulement, est aussi décerné.

Les prix du librairie, catégorie Poésie
Considérant que le prix de poésie (décerné à un homme l’année dernière) est beaucoup trop récent pour vraiment pouvoir en tirer des conclusions (bien que les préliminaires avec 7 hommes et 1 femme restent très parlantes dans un genre qui récompense démesurément les hommes [nous y reviendrons, on l’espère, dans un autre billet]), nous ne nous attarderons pas à ce dernier cette année.

Les prix du librairie, catégorie Jeunesse
Répartition des prix jeunesse

Bien que les hommes tendent à gagner beaucoup plus souvent les prix jeunesse (13 hommes, 6 femmes, 5 collectifs mixte; toutes catégories confondues; bref, plus de 54% des prix), les finalistes sont plus uniformément répartis (24 hommes, 32 femmes, 16 collectifs mixte; les femmes constituent ici 44,4% des finalistes). On voit cependant que les hommes ont plus tendance à gagner les prix malgré une proportion plus faible dans la liste des finalistes. Quatre années (24 prix) restent bien faibles cependant pour en tirer une conclusion définitive, malgré l’observation d’une certaine discrimination dans les prix: il n’en pas normal que les hommes gagnent plus souvent que les femmes et les collectifs mixtes mis ensemble.

Note sur la méthodologie: Les collectifs d’hommes et de femmes non-mixtes ont été considérés comme 1 homme ou 1 femme à des fins de simplification et peuvent donc venir fausser les donner. Répartir les données en 5 catégories plutôt que 3 ne nous a cependant pas sembler important, possiblement à tort, pour l’évaluation de prix en fonction du genre.

Les prix du librairie, catégorie Roman
Répartition des prix catégorie Roman

Avec 44 prix distribués depuis 1994, nous pensons que la catégorie du roman est plus parlante en ce qui à trait à une possible discrimination. Nous n’avons pas été surpris de voir que les hommes remportaient plus souvent le prix que les femmes entre 68 et 72% des fois, ce qui est quand même plus du 2/3 des fois… Ces victoires se remportent alors que les finalistes sont relativement bien répartis au Québec: 55% des hommes sont finalistes. Hors-Québec, c’est un tout autre problème, 73,3% des hommes sont finalistes ce qui s’accordent parfaitement avec le pourcentage de victoire des hommes (72,7%). Bref, pour le prix au Québec, les hommes gagnent plus souvent malgré une liste de finalistes relativement égale (bien qu’elle avantage les hommes, et ce n’est pas une surprise…, ça reste pourtant dans la brochette d’un +/- 5% que je considère acceptable); bref, il y a un certain favoritisme des auteurs hommes dans l’octroi du prix. Quant au prix à l’étranger, malgré une très très forte préférence pour les hommes, l’octroi du prix ne fait que suivre le pourcentage de représentation des hommes dans la liste des finalistes.

Alors qu’on peut penser que l’égalité va en grandissant au fil des années (ce qui est une vision téléologique de l’histoire et non une vérité à prendre pour acquise), l’attribution du prix ne nous présente pas ce phénomène, bien au contraire. Non seulement les hommes sont plus souvent finalistes (62% au Québec, 74% hors-Québec), mais ils gagnent presque tous les prix de manière démesurée au Québec (9 prix sur 10 sont décernés à des hommes), et quand même encore une fois suivant la logique des finalistes pour les prix hors-Québec (8 prix sur 10 décernés à des hommes). Il faut remonter à l’an 2009, avec le prix remis à Catherine Mavrikakis pour voir une femme remporter le prix du roman au Québec…

Observations supplémentaires:
– Seules 4 années (2004, 2000, 1999 et 1994) ont eu deux femmes gagnantes, alors que 13 années ont eu deux hommes gagnants et 5 années furent paritaires.
– Jamais 5 femmes ne furent finalistes dans une même catégorie la même année bien que 5 hommes le furent à 6 reprises.

Bref, on peut conclure à une discrimination marquée dans l’octroi du prix des libraires dans la catégorie roman et il y a lieu de s’alarmer que la tendance s’est accrue dans les dix dernières années.

Brève conclusion
De manière générale, et ce, toutes catégories confondues, les hommes dominent largement l’octroi des prix du libraire au-delà de l’acceptable (moins du tiers des prix sont décernés uniquement aux femmes). Cette tendance est d’autant plus remarquable dans la remise de prix plus rares/prestigieux (roman, poésie) aux hommes qui semble s’accroître avec le temps malgré un certain âge d’or égalitaire dans les débuts de l’attribution du prix. Simplement pour le plaisir, j’ai regardé les statistiques des dix premières années de la catégorie roman (à l’exception de 1994 pour laquelle la liste des finalistes n’est pas disponible) et le résultat est intéressant:
10 prem
Dans les romans hors-Québec, la tendance reste au 70-72%, mais il y a, dans les romans québécois, autant d’hommes que de femmes finalistes et gagnant·es! Donc, non, il n’est pas impossible du tout d’avoir une remise plutôt égalitaire des prix.

Accès aux bases de données
Les bases de données que j’ai montées pour effectuer cette recherche sont disponibles pour consultation, vérification, diffusion, reproduction et pour d’autres recherches si vous voulez (merci de toujours en citer la provenance). Elles seront augmentées au fil des années. La source des informations provient directement de l’historique disponible sur le site web du prix des libraires.
Base de données catégorie Roman
Base de données catégorie Jeunesse
Base de données catégorie Poésie

Répartition hommes/femmes des doctorats honoris causa décernés par l’UdeM depuis 1920 (rapport 2015)

Répartition des doctorats honoris cause en fonction du sexe (1920-2014)

Répartition des doctorats honoris cause en fonction du sexe (1920-2015)
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De 1920 à 2015, 1031 doctorats honoris causa (dhc) ont été remis par l’Université de Montréal à des personnalités de tous les milieux. En constatant une «relative» absence des femmes en 2013 (2 femmes en ont reçu un par rapport à 10 hommes), j’ai décidé d’approfondir la question et de voir si il y avait vraiment une discrimination dans l’attribution des diplômes. Ce second billet sur la question est une mise à jour annuel du premier billet.

La base de données que j’ai montée pour effectuer cette recherche est disponible pour consultation, vérification, diffusion, reproduction et pour d’autres recherches si vous voulez.

Voici donc les résultats auxquels je suis arrivé. Des 1031 dhc remis, 925 ont été attribué à des hommes et 106 à des femmes. Au cours des 10 dernières années, 163 dhc ont été remis: 125 à des hommes, 38 à des femmes.

Pour remettre ça en perspective, depuis 1920, il y a une moyenne de 9 dhc de remis à des hommes par année et 1 dhc/année remis à des femmes. Bref, 10% de tous les dhc! Par rapport à l’année dernière, la moyenne totale des diplômes décernée aux femmes a diminué de 0,1%! Au cours des 10 dernières années, cela monte à 13,6 pour les hommes et 3,6 pour les femmes. Il s’agit là de 23,3% de tous les dhc. Encore par rapport à l’année dernière, cette moyenne a aussi diminué pour les femmes de 0,1%.

La médiane depuis 1920 est de 8 pour les hommes et 1 pour les femmes. Au cours des 10 dernières années, elle est de l’ordre de 12 pour les hommes et 3,5 pour les femmes. Ces médianes restent inchangées par rapport à l’année dernière.

Plusieurs faits intéressants, et historiques, ont été observé l’année dernière. Nous n’en avons pas trouvé de nouveaux, mais mis à jour l’un d’entres-eux:

  • Si on joue au petit jeu de sous quel recteur ont a attribué le plus haut pourcentage de dhc aux femmes, on obtient:
    – Guy Breton (2010 – ) 24% (18 dhc remis à des femmes) [augmentation de 0,1% par rapport à l’année dernière]
    – Luc Vinet (2005 – 2010) 23,2% (26 dhc remis à des femmes)
    – René Simard (1993 – 1998) 16,9% (13 dhc remis à des femmes)
    – Gilles G. Cloutier (1985 – 1993) 15,3% (13 dhc remis à des femmes)
    – Paul Lacoste (1975 – 1985) 14,3% (8 dhc remis à des femmes)
    – Robert Lacroix (1998 – 2005) 11,3% (13 dhc remis à des femmes)
    – Mgr André-Vincent-Joseph Piette (1923 – 1934) 6% (4 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Olivier Maurault (1934 – 1955) 5,2% (19 dhc remis à des femmes)
    – Roger Gaudry (1965 – 1975) 3,5% (2 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Irénée Lussier (1955 – 1965) 1,7% (2 dhc remis à des femmes)
    – Mgr Georges Gauthier (1920 – 1923) 0% (aucun dhc remis à des femmes)
    Les résultats ne valent pas grand chose cependant puisqu’une même année est reprise pour deux recteurs et que ce ne sont pas nécessairement eux qui décident de tous les dhc.

Critiques intersectionnelles qui peuvent être observée:
Le sexe n’est pas le seul critère de discrimination, l’ethnie, l’orientation sexuelle, la classe, etc. devrait aussi pouvoir être prise en compte dans une analyse qui pourrait être plus intersectionnelle. Bien que ces critères nous tiennent à cœur, nous n’avons pas les ressources nécessaires (temps, accès à des données approfondis sur les honoris causa) pour effectuer cette recherche. Nous avons cependant pu observé que depuis 2009, grâce aux photos et une petite biographie des récipiendaires, seules une femme autochtone, une femme noire et une colombienne ont reçu des dhc, trois hommes chinois aussi. Ces attributions marquent bien les liens que l’UdeM tentent de tisser avec les universités chinoises depuis quelques années, mais aussi certains événements politiques internationaux comme la remise d’un dhc à Ingrid Bettancourt quelques mois après sa libération. Ces 6 personnes non-caucasiennes (sur 98 dhc) représentent difficilement cependant les pourcentages des minorités visibles au Canada (qui représentent 19,1% de la population canadienne) à l’exception des chinois qui représentent 4% de la population canadienne. Considérant que les dhc sont quand même décernés à des personnalités de partout à travers la planète (souvent à des Américains et des Français), bien qu’un grand nombre de Canadiens et de Québécois s’y retrouvent, ce nombre nous paraît encore plus minuscule.

Conclusions:
Bref, avec moins du quart des dhc ayant été remis à des femmes dans les 10 dernières années et jamais plus du tiers à aucun moment de l’histoire de l’UdeM (sauf durant deux années exceptionnelles), on peut conclure à une discrimination dans l’octroi des doctorats honorifiques et ce malgré les légères augmentations d’un recteur à l’autre. Malgré la publication du billet l’année dernière et mes tentatives de contacter l’UdeM à ce sujet sont restées lettre morte. Cette année, j’ai cependant eu l’occasion de partager mes résultats avec le comité permanent sur le statut de la femme de l’UdeM. Y aura-t-il enfin un changement en 2016?

Source:
Liste chronologique des doctorats honoris causa de l’UdeM