Dictionnaire de la révolte étudiante; Du carré rouge au printemps étudiant

Dictionnaire de la révolte étudiante

La préface de l’ouvrage collectif nous indique 3 manières de lire ce «dictionnaire»: en le feuilletant rapidement, en l’utilisant comme un véritable dictionnaire (rechercher la définition de tel ou tel mot) ou en le lisant comme un livre du début a la fin. Je dois confesser que j’ai «lu» le dictionnaire, avec les conséquences qui en résultent et dont je reparlerai.

L’ouvrage est un collectif d’une cinquantaine d’auteur·es ce qui signifie que passer d’un mot dans une lecture apporte un changement de style, et cela, à chaque entrée. L’exercice est épuisant. Surtout que beaucoup des définitions utilise l’ironie ou la frise constamment, il faut ainsi se reposer la question du mode de lecture chaque fois.

Toujours à cause de la dimension collective, mais peut-être aussi dû au manque de relecture ou de simple échange de lecture entre les participant·es à l’exercice, on assiste souvent à des redondances. Certains mots apparaissent même deux, voir trois fois avec des variations sur sa fonction (n., adj., expr.). Heureusement, les définitions s’éloignent généralement les unes des autres, mais d’autres mots répètent parfois ce qui a déjà été dit dans un autre. Pour l’essentiel, l’ouvrage est ennuyant, les définitions ne sont pas très intéressantes (sinon pour celles et ceux qui apprécient l’ironie perpétuelle). Il s’en détache quelques-unes qui analysent l’étymologie des mots qui sont plutôt rares. J’ai personnellement plus apprécié le témoignage, le seul, au terme Justice qui contraste terriblement avec les autres entrées ainsi que la seconde entrée pour le terme de Professeur.e.

Les attaques répétées contre certains individus (Jean Charest) sont compréhensibles, mais rarement fondées dans l’argumentaire. Rares sont les atteintes qui se basent vraiment sur des faits pour attaquer, à la place, on projette une figure du clown de laquelle on se moque tout au long de l’ouvrage. Inusités aussi sont les questionnements et les critiques du mouvement même (autrement qu’en reprenant les mots des «carrés verts» qui sont tous couverts de ridicule et ne peuvent être pris au sérieux) ; on retiendra cependant une entrée qui osera critiquer la manifestation devant la maison du chroniqueur Martineau et des propos tenus à son égard («on est allé trop loin: il ne méritait même pas qu’on lui accorde l’attention en premier lieu»). Cela excepté, les attaques contre Martineau, justes et injustes, sont éparpillées tout au long de l’ouvrage et on aurait aimé en voir beaucoup moins. Combien d’entrées mentionnent la «belle vie» au passage et adressent les mêmes critiques simplistes? Un minimum de six en plus des deux entrées consacrées entièrement à lui (La belle vie! et Martinade). L’ouvrage intitulé Dictionnaire de la RÉVOLTE, on aurait bien aimé une définition plus intéressante que la brève qui s’offre pour ce mot. La définition de révolte est amère, tombe dans des métaphores inintéressantes et ne nous explique pas vraiment pourquoi la #ggi était une révolte plutôt qu’autre chose (grève, mouvement social, etc.).

D’autres entrées cependant se démarquent: la brève entrée de Fred Pellerin, ZZZZ, finit l’ouvrage de manière très intéressante, celle sur Anarchopanda nous donne quelques bribes de philosophie et des raisons probables de l’implication du professeur de philosophie au sein du mouvement. Négociation par Martine Desjardins est aussi très intéressante à lire et offre sa perspective lors des «entretiens» avec les Libéraux. Slogan se veut une inscription des différents slogans émis durant la #ggi (terriblement lacunaire: il manque de slogans [on comprend] et les variations des slogans sont omises [on comprend aussi, mais c’est dommage, le fait de fixer ruine quand même beaucoup]), l’idée de cet article était intéressante, mais a échoué. Un support numérique aurait pu permettre une meilleure disposition et répertoire des slogans. Le dictionnaire voulait donner un aperçu, mais il est trop long pour un simple survol et trop court pour un panorama. Un effet pervers de l’imitation du style du dictionnaire est le retour a la ligne indique par le losange (◊) qui fait que, dans certaines entrées, on en abus. Son utilisation dans le terme Slogan ou encore Solidarité perd son lecteur, on aurait apprécié des retours a la ligne.

Bref, ce dictionnaire, un hybride entre des entrées plaisantes, ironiques, réfléchies, étymologiques, témoignages,… donne à la lecture cette confusion lorsqu’il est lu comme un livre. Ce qui n’est pas mauvais en soit : on montre quand même une vaste polyphonie d’idées; chacun a ses raisons et arguments pour participer à la #ggi, certaines se rejoignent (beaucoup semble vouloir mettre un frein au néolibéralisme), d’autres sont là pour des raisons beaucoup plus personnelles ; certaines tentent de comprendre et d’autres accusent (les Libéraux surtout).

Le dictionnaire de la révolte est donc un assemblage hétéroclite. La lecture continue suggérée n’est cependant pas la meilleure, un mot par jour ou une flânerie entre ses pages aurait été beaucoup plus pertinent: j’ai, parfois, dû sauter des définitions qui m’ennuyaient particulièrement ou qui ironisait trop de manière déplaisante.

Un ouvrage qui reste intéressant, mais seulement pour certaines entrées.

P.S.: Nous restons toujours sur notre faim quant au pourquoi de l’utilisation du mot «Révolte» dans le dictionnaire, alors que «Révolution» aurait mieux convenu selon ce même dictionnaire.

Ce billet fait partie d’une série sur la #ggi.
Cliquez ici pour plus d’ouvrages et de critiques.

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