De 1920 à 2016, 1038 doctorats honoris causa (dhc) ont été remis par l’Université de Montréal à des personnalités de tous les milieux. En constatant une «relative» absence des femmes en 2013 (2 femmes en ont reçu un par rapport à 10 hommes), j’ai décidé d’approfondir la question et de voir si il y avait vraiment une discrimination dans l’attribution des diplômes. Ce troisième billet sur la question est une mise à jour annuel du premier billet.
Voici donc les résultats auxquels je suis arrivé. Des 1038 dhc remis, 930 ont été attribué à des hommes et 108 à des femmes. Au cours des 10 dernières années, 150 dhc ont été remis: 114 à des hommes, 36 à des femmes.
Pour remettre ça en perspective, depuis 1920, il y a une moyenne de 9,6 dhc de remis à des hommes par année et 1,1 dhc/année remis à des femmes. Bref, 10,4% de tous les dhc! Par rapport à l’année dernière, la moyenne totale des diplômes décernée aux femmes a augmenté de 0,1%! Au cours des 10 dernières années, cela monte à 11,4 pour les hommes et 3,6 pour les femmes. Il s’agit là de 24% de tous les dhc. Encore par rapport à l’année dernière, cette moyenne a augmenté pour les femmes de 0,7%.
La médiane depuis 1920 est toujours de 8 pour les hommes et 1 pour les femmes. Au cours des 10 dernières années, elle est de l’ordre de 10,5 pour les hommes et 3 pour les femmes. Ces médianes restent inchangées ont légèrement diminué pour les hommes et les femmes par rapport à l’année dernière dû au faible nombre de doctorat honoris causa décernés cette année (tendance de plus en plus remarqué sous le rectorat de Guy Breton).
Plusieurs faits intéressants, et historiques, ont été observé le premier billet sur la question. Nous n’en avons pas trouvé de nouveaux, mais mis à jour l’un d’entres-eux:
- Si on joue au petit jeu de sous quel recteur ont a attribué le plus haut pourcentage de dhc aux femmes, on obtient:
– Guy Breton (2010 – ) 24,4% (20 dhc remis à des femmes) [une augmentation de 0,4% par rapport à l’année dernière dû à un dhc décerné de moins que l’année dernière]
– Luc Vinet (2005 – 2010) 23,2% (26 dhc remis à des femmes)
– René Simard (1993 – 1998) 16,9% (13 dhc remis à des femmes)
– Gilles G. Cloutier (1985 – 1993) 15,3% (13 dhc remis à des femmes)
– Paul Lacoste (1975 – 1985) 14,3% (8 dhc remis à des femmes)
– Robert Lacroix (1998 – 2005) 11,3% (13 dhc remis à des femmes)
– Mgr André-Vincent-Joseph Piette (1923 – 1934) 6% (4 dhc remis à des femmes)
– Mgr Olivier Maurault (1934 – 1955) 5,2% (19 dhc remis à des femmes)
– Roger Gaudry (1965 – 1975) 3,5% (2 dhc remis à des femmes)
– Mgr Irénée Lussier (1955 – 1965) 1,7% (2 dhc remis à des femmes)
– Mgr Georges Gauthier (1920 – 1923) 0% (aucun dhc remis à des femmes)
Les résultats ne valent pas grand chose cependant puisqu’une même année est reprise pour deux recteurs et que ce ne sont pas nécessairement eux qui décident de tous les dhc (il s’agit d’un comité créé par le conseil de l’université).
Critiques intersectionnelles qui peuvent être formulées:
Le sexe n’est pas le seul critère de discrimination, l’ethnie, l’orientation sexuelle, la classe, etc. devrait aussi pouvoir être prise en compte dans une analyse qui pourrait être plus intersectionnelle. Bien que ces critères nous tiennent à cœur, nous n’avons pas les ressources nécessaires (temps, accès à des données approfondis sur les honoris causa) pour effectuer cette recherche.
Nous avons cependant pu observé que depuis 2009, grâce aux photos et aux biographies des récipiendaires (ainsi que quelques recherches en ligne), seules une femme autochtone, une femme noire et une colombienne ont reçu des dhc, trois hommes chinois aussi. Ces attributions marquent bien les liens que l’UdeM tentent de tisser avec les universités chinoises depuis quelques années, mais aussi certains événements politiques internationaux comme la remise d’un dhc à Ingrid Bettancourt quelques mois après sa libération. Ces 6 personnes non-caucasiennes (sur 105 dhc donc 5,7%!!) représentent difficilement cependant les pourcentages des minorités visibles au Canada (qui représentent 19,1% de la population canadienne) à l’exception des Chinois qui représentent 4% de la population canadienne. Considérant que les dhc sont quand même décernés à des personnalités de partout à travers la planète (mais plus souvent à des Américains et des Français), bien qu’un grand nombre de Canadiens et de Québécois s’y retrouvent, cette représentation est, dans les faits, encore plus minuscule.
Aucun dhc n’a été décerné à une personne non-blanche cette année.
Conclusions:
Bref, avec toujours moins du quart des dhc ayant été remis à des femmes dans les 10 dernières années et jamais plus du tiers à aucun moment de l’histoire de l’UdeM (sauf durant deux années exceptionnelles), on peut conclure à une discrimination dans l’octroi des doctorats honorifiques et ce malgré les légères augmentations d’un recteur à l’autre. Malgré la publication du billet l’année dernière et mes tentatives de contacter l’UdeM à ce sujet sont restées lettre morte. L’année dernière, j’ai eu l’occasion de partager mes résultats avec le comité permanent sur le statut de la femme de l’UdeM, mais le seul changement de 2016? Un doctorat honoris causa de moins que l’année dernière et toujours autant de blancs (6 canadien·nes et 1 américain).
À venir éventuellement:
Une approche par faculté ou domaine d’étude pour tenter de voir si la discrimination est la même partout.
Source:
Liste chronologique des doctorats honoris causa de l’UdeM
Liste des doctorats honoris causa de 2016