Qui ai-je lu, et dans quelles proportions, en 2019?

Présentation du projet

Je suis déjà sensibilisé· au besoin de balancer mon corpus de lecture. Cette prise de conscience est facilitée par le fait de travailler dans une librairie féministe ce qui me permet, plus aisément, d’être capable d’effectuer une sélection beaucoup plus représentative des divers écrits contrairement à, par exemple, des critiques ou des prix littéraires. Cependant, même le fait d’être conscient·e de certaines réalités n’empêchent pas l’inscription de nos biais dans plusieurs sphères de notre vie comme le genre des personnes qu’on suit sur Twitter (ou les personnes qu’on re-gazouille) ou le type de livres qu’on prend (qui peut être influencé par une critique, une disposition et une disponibilité des livres écrits par les hommes).

Afin de prendre conscience de mes propres biais, que je remarque chez certains autres dans leur biographie presqu’exclusivement masculine, j’ai non seulement noté toutes mes lectures de l’année, mais leur ai aussi donné une note sur 5 (de 1 à 5, entièrement subjective, j’ai donné des notes de 1 à des ouvrages que d’autres pouvaient considérer digne de prix littéraires et il est probable que l’inverse soit possible!!!) afin de voir comment je jugeais la littérature de personnes que je lis en fonction de leur identité de genre, leur ethnicité ou leur orientation sexuelle. Je n’ai pas constitué cette base de donnée avant la fin-décembre (et après avoir choisi les livres que je lirais avant début janvier) afin qu’elle n’influence pas mes résultats, mais j’avais déjà fait l’exercice l’an dernier donc j’avais clairement en tête ce billet lors de l’achat de certains de mes livres. Je referais l’exercice l’année prochaine, mais cette fois-ci, j’aurais des quotas fixes en tête (au moins un auteur des Premières Nations par mois à lire par exemple).

Une perturbation importante dans les données

Je suis libraire dans une librairie féministe et que j’ai tendance à sur-privilégier les livres de femmes à ceux d’hommes pour rééquilibrer ma bibliothèque, mais aussi pour pouvoir parler des livres que je vends. Je suis aussi très fan de Doctor Who, ce qui me pousse à acheter et écouter beaucoup de drames et livres audio produits par une compagnie anglaise (Big Finish Productions). Toutefois, malgré un plus grand nombre d’actrices que d’acteurs la vaste majorité du temps dans ces oeuvres, l’omniprésence d’écrivains derrières ces audios est consternante. Ma collection préférée (en terme de prix et d’accessibilité) ne comporte qu’une seule écrivaine sur 72 audios (note: je compte les 7 premières saisons avant le changement complet du format, après on compte une femme et 15 hommes pour quatre saisons). Je fais souvent attention à mes achats à cet égard, mais la BBC diffusant des épisodes gratuits au moins une fois par année (et les DCs étant un luxe pour le dollars canadien), je saute toujours sur l’occasion de les écouter gratuitement.

Mon hypothèse de l’an dernier était que les hommes allaient probablement avoir une meilleure note moyenne que les femmes pour la seule et unique raison que si je lisais max. 2 hommes par mois (sur une quinze-vingtaine d’ouvrages par mois), j’allais certainement privilégier des ouvrages que je risquais d’aimer beaucoup plus que ceux des femmes, mais ça n’a pas été le cas l’an dernier ni cette année.

Cette année, j’ai aussi ajouter une colonne pour mes lectures de personnes non-binaires.

Le détail complet de mes lectures en 2019

Analyse des résultats

sur 200 ouvrages

J’analyserais les résultats colonne par colonne les résultats avant de livrer un comparatif de l’ensemble. Petite précision toutefois, j’ai tenté de chercher pour chaque auteur·es les différents critères de sélection, pour certains, je suis persuadé· de n’avoir fait aucune erreur (concernant le genre de l’auteur·e ou son statut de canadien·es ou d’étrangèr·es), mais l’appartenance à une minorité de sexualité, ethnique ou autochtone peut être légèrement sous-estimée.

Genre

La note moyenne des 200 ouvrages que j’ai notés (ça ne comprends pas les revues et beaucoup de livres pour enfants que je lisais au travail toutefois) est de 3,745, un peu plus haut qu’une moyenne parfaite (3) si j’avais vraiment lu des livres de toutes les qualités en proportions égales et elle est aussi plus élevée que l’année dernière (3,6) probablement dû au fait que je ne suis pas dans un comité de lecture cette année et que j’ai vraiment pu privilégier les ouvrages que je voulais lire. Celles des hommes, 3,625 , est légèrement en-dessous de celle-ci (et est beaucoup plus élevé que l’année dernière, 3,3 , clairement dû à mon retrait du prix). J’ai aussi évidemment lu beaucoup plus de femmes (on parlerait de 70,5% de femmes si on ôtait les collectifs et ouvrages mixtes) que d’hommes, probablement plus toutefois de ce que je pensais lire (de l’ordre de 1 H pour 4, 5 F).

Pour ce qui est des ouvrages collectifs et/ou mixtes, je ne semble pas en avoir lu beaucoup, à peine 17, et la note n’est pas si haute, 3,65 , non plus, mais j’ai souvent tendance à ne pas pouvoir mettre des notes parfaites à des collectifs en raison souvent de la présence de textes moins parfaits (subjectivement) à d’autres, ce qui leur donne souvent une note moyenne selon mon jugement. À l’exception de Gallifrey: Time War 2 qui obtient une note parfaite, les notes sont toutes de 3 ou 4 contrairement aux textes de femmes et d’hommes qui comptent plus d’entrées dans les extrêmes.

Nationalité

J’ai été très surpris de voir que le corpus canadien ne comptait que pour 23% de mes lectures! Un effondrement total depuis l’année dernière où j’étais à 36,6%. La présence de Français·es et d’Américain·es dans les « classiques » que je lis joue certainement là-dedans, mais je semble être plus porté naturellement vers des corpus étrangers malgré une très grande présence québécoise dans ma librairie. Mon appréciation de la littérature étrangère se reflète aussi beaucoup dans la note que je lui attribut qui est légèrement plus positive (3,76 exactement la même que l’année dernière) que celle des Canadien·es (3,7, beaucoup plus élevée que l’année dernière, encore une fois dû en partie à mon retrait du comité de sélection).

L’année dernière, j’ai émis l’hypothèse pour expliquer cette immense disparité en terme de jugement est que le corpus étranger étant tellement immense que les livres que je finis par me procurer sont généralement meilleurs, à mon avis, simplement parce que j’ai déjà effectué une présélection (influencée par la critique notamment). Mon corpus canadien étant souvent composé de nouveautés, je découvre souvent avant les autres la qualité d’un livre ce qui aura comme conséquence évidemment d’influencer la lecture que d’autres pourront avoir. C’est pour l’instant ma seule hypothèse, mais je pourrais certainement réfléchir à mon biais favorable à la littérature étrangère au cours de l’année. Je crois maintenir cet avis cette année aussi.

Minorité d’identité de genre et d’orientation sexuelle

Pas trop de surprises à cet égard, je lis 14% d’ouvrages pouvant tomber dans cette catégorie (incluant, quand même, tout le spectre LGBPT2QIA*), un pourcentage légèrement plus élevé que celui de la population (évaluable très très grossièrement entre 5 et 12%). La note moyenne, de 3,929 m’a encore surpris· étant vraiment beaucoup plus haute que la moyenne et que tous les autres groupes analysés (la même situation que l’année dernière). J’avoue ne pas avoir trouvé d’explication à cet égard sinon un reflet de ma propre subjectivité et expérience. C’est un pourcentage de lecture très correct à mon avis puisque, comme précisé, je n’ai pas cherché activement les livres que je lisais cette année en fonction de mes paramètres d’analyse, mais j’aimerais viser à augmenter ce dernier un peu plus considérant mon métier.

Cette année, j’ai aussi lu six ouvrages de personnes non-binaires avec une note moyenne de 3,833 , la deuxième meilleure moyenne de note juste au dessus des minorités ethniques ou autochtones (3,815). Cinq des six ouvrages avaient des notes de 3 ou 4 et seulement A Quick & Easy Guide to They/Them Pronouns avait une note parfaite.

Lorsque je sépare la nationalité dans mes résultats concernant ces minorités, il est intéressant de trouver que je lis moins d’auteur·es canadien·nes (10,87%) qu’étrangèr·es (14,94%), l’échantillon étant tellement bas toutefois qu’un seul de plus ou de moins fait remonter ou descendre les pourcentages rapidement. Ces pourcentages ont à peine varié depuis l’année dernière (respectivement 11,54% et 14,07%).

Minorités ethniques et autochtones

Pour cette catégorie, considérant le grand nombre d’auteur·es étrangèr·es que j’ai lu (et qui pouvait alors fausser les données), je me suis donné une règle: ne rentre dans cette catégorie que les minorités ethniques et autochtones au sein du pays dans lequel ces auteur·es vivent en ce moment (excluant les résidences d’auteur·es évidemment). Ainsi, une écrivaine japonaise (d’origine japonaise) ne rentrera pas dans cette catégorie (ex: Moto Hagio), mais une immigrante nigériane noire aux États-Unis le sera (ex: Nnedi Okorafor). Cette catégorie étant assez complexe, j’ai tenté de me baser, toujours, sur les informations biographiques de l’auteur·e. Ainsi, une personne née dans un pays dont les parents sont immigrants, mais qui n’a jamais mentionné appartenir à une telle minorité dans un pays n’apparaîtra pas.

Je constate qu’il s’agit probablement du plus grand biais dans mes lectures: je n’ai lu que 13,5% de personnes issues de ces groupes bien que je semble apprécier leurs ouvrages un peu plus que la moyenne (3,815). Il est impossible de calculer le pourcentage de « minorités ethniques et autochtones » dans le monde vu qu’il change drastiquement d’un pays à l’autre et qu’au final, il mesure des personnes différentes dans chaque pays, j’ai donc raffiné mes recherches en séparant les minorités canadiennes des étrangères. Le pourcentage s’améliore cependant beaucoup pour ce qui est des minorités au Canada (on monte à 21,74%!), dépassant un peu du pourcentage réel dans la population canadienne: on compte 20,3% de « minorité visible » à Montréal (1 personne sur 5), 11% au Québec et 19,1% au Canada (source). Aux États-Unis, ce chiffre monte à 27,6%.

Intersection de minorités?

J’ai seulement lu un livre qui pouvait être qualifié simultanément dans les deux catégories précédentes: La balançoire de Jasmin de Danny Ramadan comparativement à quatre l’année dernière. Ce livre compose 0,5% de mes lectures de 2019, un pourcentage beaucoup plus bas que le 1-2% de la population qui qualifierait à cet égard, mais clairement très insuffisant pour une personne qui s’intéresserait à l’intersection des luttes. Je vais donc beaucoup plus activement rechercher ces ouvrages en 2020 ayant failli sur ce point.

Qu’est-ce que je retire de l’expérience?

Outre la remarque que j’ai encore des biais dans mes lectures, je peux remarquer que si je ne cherche pas activement, encore plus que je ne le fait en ce moment, des livres issues de telles ou telle communauté ou de tel groupe marginalisé, ces livres ne s’imposeront, malheureusement, pas à moi tous seuls. Et ce, même si je travaille dans une librairie féministe, même si nous avons des sections spécialisées dans de tels enjeux et même si je suis très sensible à ces questions.

Ça va bientôt faire 3 ans que je travaille dans une librairie féministe et achète presque tous les livres que je lis. Depuis quelques années avant la fondation de la librairie, je me suis toujours questionné· à savoir si j’avais réussi à enfin lire plus de femmes que d’hommes dans ma vie puisque soyons honnête, le parcours scolaire était presqu’exclusivement des lectures d’hommes. J’avais calculé après mon baccalauréat et ma maîtrise en littératures française que j’avais lu, à l’université, seulement autour de 22% de femmes (et j’ai pris tous les cours de littérature de femmes qui existaient et qui faisaient vraiment augmenter la moyenne; dans les biographies de cours (en plus du corpus), on comptait plutôt près de 12-15% de femmes).

À prendre en note que je lis près de 70% de femmes, 20% d’hommes et 10% collectif depuis près de 3 ans et plus de 200 livres par année (clairement une énorme augmentation par rapport au environ 100-150 livres par année que je lisais avant).

J’ai donc mis ma bibliothèque (juste les monographies, les livres de cuisine et les zines) dans un document Excel et fait des additions rapides. Je n’ai pas été trop surpris de voir que j’avais toujours plus de livres d’hommes dans ma bibliothèque (environ 713 livres d’hommes et 683 livres de femmes, ce qui va probablement être renversé l’année prochaine!). À noter que ce n’est vraiment que ce que j’ai dans ma bibliothèque et ne tient pas compte de mes (milliers) de lecture en bibliothèque (ça inclut probablement une cinquantaine de livres d’Agatha Christie et de Jules Verne). Je pense honnêtement que les livres lu en bibliothèque doivent peser pour plus de 75% de mes lectures et à voir mes historiques à la BAnQ, c’est assez clair que 5 ans supplémentaires viendront peut-être enfin accoter cette parité de lecture.

Ma surprise est plutôt au niveau des auteur·es e·lleux-mêmes, si on tient juste compte des auteur·es individuel·les (donc on exclut le nombre de livres qu’illes ont écrit), j’ai encore une fois beaucoup plus d’hommes (406) que de femmes (370) ce qui prendra probablement encore plus de temps à renverser.

Je ne referais plus les calculs pour ça (c’est vraiment long, peu scientifique), mais ça montre à quel point mes lectures, même après près de 3 ans de librairie et un immense intérêt pour le féminisme depuis 2012 (à partir de 2013, quand j’entrais dans une librairie, je m’interdisais d’acheter plus de livres d’hommes que de femmes pour balancer), n’est même pas encore proche d’être paritaire.

Une dernière observation que cette rapide base de données m’a permis de voir, c’est qu’à l’exception de Françoise d’Eaubonne, j’ai très très peu de femmes avec plus de 2 ouvrages dans ma bibliothèque contrairement aux hommes dont les 4-5 ouvrages et plus ne sont pas rares.

[En musique, et je n’écoute presque que de la musique classique, j’ose même pas faire le calcul même si je n’achète que des compositrices depuis 3 ans (2 exceptions) et je dois le faire par Internet parce que je n’ai pas vu un seul magasin de musique avoir des compositrices classique en magasin depuis ce temps là.]

Ce n’est pas un constat « dramatique », je réussi probablement à avoir une moyenne beaucoup plus élevée que la majorité des gens, mais force est d’admettre que je peux non seulement faire mieux, mais qu’en plus, c’est un effort que je dois doubler pour simplement balancer le fait que, tout au long de ma vie (et surtout dans ma vie universitaire), j’ai lu en très très vaste majorité des hommes blancs hétéro (et cis).

Bref, il faut que je recherche activement certains ouvrages pour l’année prochaine, je vais encore ne rien noter dans mon tableau avant la fin-décembre, ne connaissant seulement ce que je dois rechercher, pour enfin arriver à m’améliorer.

J’encourage, en attendant, à voir vous-même la composition de vos lectures. Je vous partage même ma base de données pour que tous les calculs se fasse automatiquement de votre côté. Entre l’entrée de données et la recherche pour savoir si vos auteur·es se qualifient ou non dans telle ou telle catégorie prend toutefois beaucoup de temps (à 200 livres, j’ai probablement mis quelques heures, mais je compte la création de la base de données et la réflexion sur les critères à analyser dedans).

Je vous souhaite de bonnes lectures diversifiées pour 2019!

Retour sur les billets de 2018 et souhaits pour 2019

Retour sur 2018

J’ai légèrement augmenté le nombre de mini-critiques et analyses littéraires par rapport à l’année dernière. Je regrette toutefois de ne pas en avoir fait plus. Mon inscription sur Goodreads et les petites critiques que je fais sur tous les livres que je lis devaient me servir de tremplin à l’écriture, mais ça n’a malheureusement pas donné les fruits escomptés. Cela ne veut pas dire que j’ai chômé! J’ai ajouté de nouvelles bibliographies critiques (en plus de continuer à alimenter celles présentes), écrit des billets d’analyse autour de l’actualité politique (SLAV/Kananta et #balancetonporc), je suis aussi très content· des analyses littéraires postées cette année en plus des nouvelles directions dans lesquelles j’investis mes critiques! Ce que je ne fais pas en quantité, je crois certainement l’avoir fait en qualité (et en temps)!

Je crois qu’il s’agit aussi de l’année où j’ai été le plus cité· ce qui signifie que mon travail à eu un certain impact même s’il reste très très marginal (plusieurs billets dont j’étais très fier· n’ont même pas reçu 10 vues cette année).

Les nouveaux billets

1-Critique du film La Bolduc (2018): Féministe ou branding féministe?

Je vais rarement au cinéma (clairement moins d’une fois par année), mais la présence de Thérèse Casgrain dans la bande-annonce du film La Bolduc m’a instantanément accroché. Toutefois, au visionnage, je me suis rendu compte qu’il y avait un branding féministe clair, mais je m’interroge à savoir si le film était réellement féministe.

2-Mini-critique: Herland de Charlotte Perkins Gilman

La lecture, enfin!, de ce classique utopique féministe. J’y relève des thèmes et les approfondis brièvement, mais, surtout, je ne peux m’empêcher de m’extasier du livre et de dénoncer l’exclusion de Charlotte Perkins Gilman de l’histoire de la sociologie.

3-Mini-critique: With Her in Ourland de Charlotte Perkins Gilman

La suite, beaucoup moins connue et lue, de Herland dans laquelle la protagoniste venue d’une société utopique découvre notre monde dystopique et tombe sous le choc. Un approfondissement du tome précédent qui propose, un peu comme un essai, des pistes de solution pour rendre notre monde meilleur. J’y relève encore de nouveaux thèmes comme dans le billet précédent.

4-40+ essais féministes incontournables

Une mise à jour d’une liste comptant alors une vingtaine d’essais. Le genre de billet qui reviendra encore sous la forme d’une soixantaine lorsque j’aurais lu de nouveaux essais. C’est le type de billet le plus « viral » que j’ai, mais le billet tombe en désuétude rapidement après la première semaine alors que je lui espère toujours une plus longue vie.

5-8 choses à savoir sur les remboursements à l’Aide Financière aux Études (AFE)

Un billet que j’avais dans mes notes depuis très longtemps et que j’ai finalement publié après avoir finalisé quelques recherches sur le sujet. J’étais surtout très satisfait· d’un calculateur qui permet de déterminer le temps de remboursement de la dette d’étude en fonction du montant mensuel versé qui peut s’avérer très utile. J’ai eu au moins un retour très positif de l’utilisation de l’outil, donc c’est vraiment cool!

6-Mini-critique: Femmes et filles Mai 68

C’est une question que je ne cesse de me poser depuis mon mémoire, à savoir ce qu’on fait les femmes durant mai 68 vu leur invisibilisation complète de l’histoire écrite sur mai 68 par la suite. À l’occasion du cinquantenaire, je me suis donc plongé dans trois ouvrages autour de mai 68. Celui-là était marquant pour deux raisons: les points de vue politique étaient parfois à l’opposé complètement et il remplissait bien de nombreux blancs des pages de l’histoire. Ce panorama de point de vue était fascinant même si certaines femmes se sont servies de cette tribune pour faire part de leur position sur certains enjeux contemporains qui n’avaient aucun rapport avec le sujet du livre. La présence de lettres de refus de participer à un tel ouvrage était aussi très intéressante dans cette perspective historique. Cet essai a certainement eu un travail d’édition et de recherches complexes et je ne peux que féliciter les éditrices même si je ne suis pas d’accord avec beaucoup des propos et perspectives tenues.

7-Ce qu’un opéra de 1913 aurait pu nous apprendre sur Kanata

Une modeste contribution au long et houleux débat qui a eu lieu durant l’été au Québec (et probablement une des nouvelles les plus discutées cette année dans la province). Ce billet se voulait avant tout une invitation à découvrir l’oeuvre de Zitkala-Ša à travers The Sun Dance Opera qui a fait l’objet de critiques intéressantes par P. Jane Hafen et que je liais aux critiques de Kanata. Toutefois, personne, ou presque, n’a lu ce billet donc elle risque de rester dans l’oubli encore un moment…

8-Répartition F/H des doctorats honoris causa décernés par l’UdeM depuis 1920 (rapport 2018)

Une mise à jour annuel de la répartition F/H des doctorats honoris causa à l’UdeM. Pour la première fois depuis 1983, on a une attribution paritaire ce qui en fait la première critique positive depuis que j’ai commencé la recension en 2014. Je nuance toutefois le portrait avec une critique intersectionnelle.

9-Analyse de l’essai #balancetonporc de Sandra Muller

À l’exception d’un article dans Le Monde (qu’on pourrait difficilement qualifié d’objectif dans un tel débat), je n’ai pas trouvé une seule autre critique de cet ouvrage (pas une mention qui dit que l’ouvrage va sortir, une critique littéraire) qui pourtant aurait dû attirer l’attention de beaucoup de monde et de médias. Il est fort à parier que le message très ambivalent du livre, à la fois pro-dénonciation, mais profondément anti-féministe, a joué là-dedans. J’analyse les techniques utilisées par l’autrice pour décrédibiliser le féminisme en plus de jeter un regard critique sur la classe de l’autrice, l’utilisation du lampshading et les nombreux préjugés qu’elle véhicule.

10-À la découverte de la peintre Oei Hokusai

Un autre billet duquel je tire une grande fierté, mais qui n’a pas du tout été lu (ça semble être la règle de mes billets: plus j’en suis fier·, moins ils sont lu :S ). Dans celui-ci, je fais découvrir la peintre Oei Hokusai à travers un film d’animation et une fiction biographique qui ont été écrit autour d’elle. J’y relève les choix narratifs, la présence inévitable de son père et les impacts sur le récit, mais aussi les nombreux éléments féministes qui ces fictions soulèvent. Je conclus à un appel à sa redécouverte, mais comme pour Zitkala-Ša, ce n’est malheureusement pas moi qui pourra lui donner un coup de pouce…

Les nouvelles pages

Une des composantes primordiales de mon blog est la présence de bibliographie critique (avec, principalement, celle de Françoise d’Eaubonne). Cette année, j’ai ajouté trois nouvelles pages dont je poursuis constamment le travail de recension.

1-Bibliographie critique sur la réaction face aux spectacles SLĀV et Kanata

Un des débats les plus importants au Québec cette année avec des questions tournant autour de l’appropriation culturelle, des représentations et de la censure, je ne pouvais m’empêcher, comme je l’ai fait pour la #ggi, de ne pas laisser filer toutes ces réflexions et de les regrouper ensemble, cela peu importe leur position sur ces questions.

2-Représentation F/H hebdomadaire dans le cahier Lire du Devoir

À défaut d’être un billet original, je tire l’idée de Lori Saint-Martin qui dénonçait l’absence des femmes dans le cahier Lire du Devoir plus tôt, j’ai décidé de faire un suivi semaine par semaine et de le rendre public. Dans sa forme de 2018, il s’agissait simplement de noter le nombre d’occurrence des critiques sur des livres de femmes et d’hommes (ainsi que leur nombre de pages). Entre le 28 juillet et le 29 décembre 2018, j’arrivais au triste constat que les femmes occupaient 30,86% des critiques (contre 54,63% pour les hommes et 14,51% pour les critiques mixtes) et à peine un meilleur 32,57% du nombre de page (contre 51,72% pour les hommes et 15,71% pour les critiques mixtes). Évidemment, ce ne sont pas les seules observations qui peuvent être faites: la moitié des semaines, les hommes ont plus de 8 articles écrit sur eux, ce n’est arrivé qu’une seule fois que les femmes aient eu 8 critiques; rares sont les fois où il y a moins de 5 critiques de livres d’hommes (c’est surtout quand il y a peu de critiques cette semaine-là), mais c’est largement la norme pour les femmes, etc. Bref, on peut définitivement conclure à de la discrimination dans les critiques de livres du cahier Lire du Devoir.

3-Types de féminisation

Une recension que j’effectue depuis des années, mais qui accumulait la poussière donc autant la publier! Ça m’est particulièrement utile lorsque je discute de féminisation (ou d’écriture inclusive comme on semble privilégier aujourd’hui) pour pouvoir parler des différents types en faisant référence à des noms précis.

Réseaux sociaux

J’ai aussi, pour la première fois depuis la création du blog, décidé d’utiliser un peu plus les réseaux sociaux pour diffuser les critiques autrement que directement sur ma page personnelle. D’abord avec la création d’un profil Goodreads où je publie mes critiques à froid juste après mes lectures (avant de les reprendre ici). J’ai aussi créé une page Facebook pour le blog dans l’espoir de pouvoir rejoindre plus de monde que les simples partages sur ma page personnelle Facebook ou Twitter. La page FB me permet aussi de reproduire et d’approfondir certaines critiques de livres et de mettre à jour de manière hebdomadaire la représentation F/H dans le cahier Lire du Devoir sans avoir à embêter les gens qui pourraient se lasser de ce contenu sur ma page personnelle. Le temps permettra de savoir si en effet ça permet une plus large diffusion, mais à voir les maigres statistiques de certains billets ou pages que je trouve importantes, je n’ai absolument rien à perdre pour le moment. Ça me permettra aussi, à l’occasion, de remettre en valeur de plus vieux billets.

Statistiques

Mes billets les plus populaires (pour ce qui est des consultations) sont les mêmes pour les deux premières positions, mais il y a eu des changements pour le reste dû à l’actualité politique pour la troisième et quatrième position.

En première place, l’analyse du poème Nuit Rhénane de Guillaume Apollinaire (2010) qui est toujours très recherché par les étudiant·es en période d’examen (pouvant parfois atteindre 50 vues/jour). Ce billet a reçu plus de 4100 vues cette année. C’est toujours le billet le plus populaire depuis sa parution.

Ma pages archivant des chansons de manifestations féministes (2016) est en deuxième place ce qui est toujours plaisant.

En troisième place, mon billet sur la place des femmes dans la Pléiade (2015), un billet explorant l’absence des femmes dans la collection La Pléiade de Gallimard, est sorti de son invisibilité des années précédentes suite à des articles dans les journaux qui ont remarqué la même chose suite à la parution des oeuvres de Simone de Beauvoir dans la pléiade.

La quatrième position du classement va à la bibliographie critique sur la réaction face aux spectacles SLĀV et Kanata (2018) qui est le dernier billet à avoir plus de 1 000 vues cette année. Vu l’actualité politique québécoise de cet été et les articles qui sont ressortis en fin d’année (en plus du billet « surprise » de Robert Lepage), il n’est pas étonnant que beaucoup ait effectué des recherches sur le sujet. Je me permet d’être content· de l’utilité de cette bibliographie critique pour les recherches de nombreux internautes.

Le cinquième billet le plus consulté est une liste de 40+ essais féministes incontournables (2018) que j’ai mis à jour cette année et qui fut très partagée.

Mon billet publié cette année le plus populaire est celui sur les 40+ essais féministes incontournables suivi, très très loin derrière par la critique du film La Bolduc (2018) avec moins de 100 vues

Le blog biscuitsdefortune.com c’est maintenant 84 billets, 14 500 vues de pages en 2018 et 36 473 depuis sa création!

Souhaits pour 2019

Je souhaite encore pouvoir faire plus de critiques de livres cette année, le volet Facebook du blog aidera probablement à la réalisation de cet objectif. Évidemment, je continuerais à mettre à jour les bibliographies et songe à en ajouter au moins une cette année.

Mon projet est toutefois de réussir à rejoindre beaucoup plus de gens. À part les feux de paille pour un ou deux billets par année, les gens ne consultent tout simplement pas mes billets. La page Facebook tend à changer un peu cette réalité, à explorer donc. Beaucoup des travaux effectués sur ce blog aurait pu aider de nombreux journalistes et chercheurs (notamment avec les femmes dans la Pléiade qui ont fait le même travail (pas statistiques), mais n’avaient même pas penser à chercher sur Internet pour voir si une personne l’avait déjà fait! (J’étais quand même le premier ou deuxième résultat quand on tapait « femme » et « pléiade » dans Google…) Semblablement, la bibliographie sur SLAV/Kanata a peut-être été très consultée, mais très très peu de gens cliquaient sur les liens (peut-être se contentaient-ils pour la plupart de lire les statuts Twitter et Facebook toutefois) ce qui montre que l’usage de cette bibliographie était plus de l’ordre de la curiosité qu’un outil de recherche.

Je verrais donc cette année à trouver des moyens de rendre plus « accessible », ou à tout le moins voyant, le travail que j’effectue pour les personnes qui pourraient en avoir besoin.

Qui ai-je lu, et dans quelles proportions, en 2018?

Présentation du projet

Je suis déjà sensibilisé· au besoin de balancer mon corpus de lecture. Cette prise de conscience est facilitée par le fait de travailler dans une librairie féministe ce qui me permet, plus aisément, d’être capable d’effectuer une sélection beaucoup plus représentative des divers écrits contrairement à, par exemple, des critiques ou des prix littéraires. Cependant, même le fait d’être conscient·e de certaines réalités n’empêchent pas l’inscription de nos biais dans plusieurs sphères de notre vie comme le genre des personnes qu’on suit sur Twitter (ou les personnes qu’on re-gazouille) ou le type de livres qu’on prend (qui peut être influencé par une critique, une disposition et une disponibilité des livres écrits par les hommes).

Afin de prendre conscience de mes propres biais, que je remarque chez certains autres dans leur biographie presqu’exclusivement masculine, j’ai non seulement noté toutes mes lectures de l’année, mais leur ai aussi donné une note sur 5 (de 1 à 5, entièrement subjective, j’ai donné des notes de 1 à des ouvrages que d’autres pouvaient considérer digne de prix littéraires et il est probable que l’inverse soit possible!!!) afin de voir comment je jugeais la littérature de personnes que je lis en fonction de leur identité de genre, leur ethnicité ou leur orientation sexuelle. Je n’ai pas constitué cette base de donnée avant la fin-décembre (et après avoir choisi les livres que je lirais avant début janvier) afin qu’elle n’influence pas mes résultats, mais je savais que je ferais un tel exercice vers le mois de février/mars 2018. Je referais l’exercice l’année prochaine avec les mêmes conditions, mais ayant en main les résultats de cet année, il est fort à parier que cela influence mes lectures à l’avenir.

Deux perturbations importantes dans les données

Bien que je suis libraire dans une librairie féministe et que j’ai tendance à sur-privilégier les livres de femmes à ceux d’hommes pour rééquilibrer ma bibliothèque, mais aussi pour pouvoir parler des livres que je vends, j’ai toutefois fait partie d’un comité de sélection pour un prix littéraire ce qui m’a forcé à lire des livres lesquels je n’aurais jamais lus. Cela inclut évidemment beaucoup d’hommes. Plusieurs hommes, mais aussi plusieurs livres assez sexistes dans les personnes qu’ils citaient ce qui influençait souvent mon jugement à la négative (mais ce n’était jamais le seul facteur d’une note).
Je suis aussi très fan de Doctor Who, ce qui me pousse à acheter et écouter beaucoup de drames et livres audio produits par une compagnie anglaise (Big Finish Productions). Toutefois, malgré un plus grand nombre d’actrices que d’acteurs la vaste majorité du temps dans ces oeuvres, l’omniprésence d’écrivains derrières ces audios est consternante. Ma collection préférée (en terme de prix et d’accessibilité) ne comporte qu’une seule écrivaine sur 72 audios (note: je compte les 7 premières saisons avant le changement complet du format, après on compte une femme et 15 hommes pour quatre saisons). Je fais souvent attention à mes achats à cet égard, mais la BBC diffusant des épisodes gratuits au moins une fois par année (et les DCs étant un luxe pour le dollars canadien), je saute toujours sur l’occasion de les écouter gratuitement. Toutefois, plusieurs de ces épisodes audio écrits par des hommes ne m’ont pas tant intéressé· (je ne les ai pas choisi contrairement à ceux que j’achète) d’où aussi un petit effondrement de la note moyenne des hommes à cet égard.

Mon hypothèse de départ était que les hommes allaient probablement avoir une meilleure note moyenne que les femmes pour la seule et unique raison que si je lisais max. 2 hommes par mois (sur une quinze-vingtaine d’ouvrages par mois), j’allais certainement privilégier des ouvrages que je risquais d’aimer beaucoup plus que ceux des femmes, mais à cause de ces deux facteurs, la moyenne des hommes est beaucoup plus basse.

Le détail complet de mes lectures en 2018

Analyse des résultats

sur 213 ouvrages

J’analyserais les résultats colonne par colonne les résultats avant de livrer un comparatif de l’ensemble. Petite précision toutefois, j’ai tenté de chercher pour chaque auteur·es les différents critères de sélection, pour certains, je suis persuadé· de n’avoir fait aucune erreur (concernant le genre de l’auteur·e ou son statut de canadien·es ou d’étrangèr·es), mais l’appartenance à une minorité de sexualité, ethnique ou autochtone peut être légèrement sous-estimée.

Genre

La note moyenne des 213 ouvrages que j’ai notés (ça ne comprends pas les revues et beaucoup de livres pour enfants que je lisais au travail toutefois) est de 3,6, un peu plus haut qu’une moyenne parfaite (3) si j’avais vraiment lu des livres de toutes les qualités en proportions égales. Celles des hommes, 3,3, est légèrement plus « réaliste » à cet égard et reflète en effet bien les deux perturbateurs de données. J’ai donc évidemment lu beaucoup plus de femmes (on parlerait de 78,2% de femmes si on ôtait les collectifs et ouvrages mixtes) que d’hommes, probablement plus toutefois de ce que je pensais lire (de l’ordre de 1 H pour 4, 5 F), mais encore une fois, je peux pointer vers les perturbateurs.

Pour ce qui est des ouvrages collectifs et/ou mixtes, je ne semble pas en avoir lu beaucoup, à peine 20, et la note n’est pas si haute non plus, mais j’ai souvent tendance à ne pas pouvoir mettre des notes parfaites à des collectifs en raison souvent de la présence de textes moins parfaits (subjectivement) à d’autres, ce qui leur donne souvent une note moyenne selon mon jugement. À l’exception de Trigger Warnings: History, Theory, Context dirigé par Emily J.M. Knox et le collectif Rencontres radicales : pour des dialogues féministes décoloniaux qui obtiennent tous deux une note parfaite et la revue Mondes Secrets n°1 – Mars 1963 achetée uniquement pour la présence d’une nouvelle de Françoise d’Eaubonne (qui n’était pas non plus bonne), les notes sont vraiment plus dans la moyenne que dans les extrêmes contrairement aux textes de femmes et d’hommes qui comptent plus d’entrées dans les extrêmes.

Nationalité

J’ai été très surpris de voir que le corpus canadien ne comptait que pour 36,6% de mes lectures! La présence de Français·es et d’Américain·es dans les « classiques » que je lis à certainement joué là-dedans, mais je semble être plus porté naturellement vers des corpus étrangers malgré une très grande présence québécoise dans ma librairie. Mon appréciation de la littérature étrangère se reflète aussi beaucoup dans la note que je lui attribut qui est beaucoup plus positive (3,76) que celle des Canadien·es (3,32). La seule hypothèse que je peux émettre pour expliquer cette immense disparité en terme de jugement est que le corpus étranger étant tellement immense que les livres que je finis par me procurer sont généralement meilleurs, à mon avis, simplement parce que j’ai déjà effectué une présélection (influencée par la critique notamment). Mon corpus canadien étant souvent composé de nouveautés, je découvre souvent avant les autres la qualité d’un livre ce qui aura comme conséquence évidemment d’influencer la lecture que d’autres pourront avoir. C’est pour l’instant ma seule hypothèse, mais je pourrais certainement réfléchir à mon biais favorable à la littérature étrangère au cours de l’année.

Minorité d’identité de genre et d’orientation sexuelle

Pas trop de surprises à cet égard, je lis 13,15% d’ouvrages pouvant tomber dans cette catégorie (incluant, quand même, tout le spectre LGBPT2QIA*), un pourcentage légèrement plus élevé que celui de la population (évaluable très très grossièrement entre 5 et 12%). La note moyenne, de 4,1 m’a toutefois vraiment surpris· étant vraiment beaucoup plus haute que la moyenne et que tous les autres groupes analysés. J’avoue ne pas avoir trouvé d’explication à cet égard sinon un reflet de ma propre subjectivité et expérience. C’est un pourcentage de lecture très correct à mon avis puisque, comme précisé, je n’ai pas cherché activement les livres que je lisais cette année en fonction de mes paramètres d’analyse, mais j’aimerais viser à augmenter ce dernier un peu plus considérant mon métier.

Lorsque je sépare la nationalité dans mes résultats concernant ces minorités, il est intéressant de trouver que je lis moins d’auteur·es canadien·nes (11,54%) qu’étrangèr·es (14,07%), l’échantillon étant tellement bas toutefois qu’un seul de plus ou de moins fait remonter ou descendre les pourcentages rapidement.

Minorités ethniques et autochtones

Pour cette catégorie, considérant le grand nombre d’auteur·es étrangèr·es que j’ai lu (et qui pouvait alors fausser les données), je me suis donné une règle: ne rentre dans cette catégorie que les minorités ethniques et autochtones au sein du pays dans lequel ces auteur·es vivent en ce moment (excluant les résidences d’auteur·es évidemment). Ainsi, une écrivaine japonaise (d’origine japonaise) ne rentrera pas dans cette catégorie (ex: Moto Hagio), mais une immigrante nigériane noire aux États-Unis le sera (ex: Nnedi Okorafor). Cette catégorie étant assez complexe, j’ai tenté de me baser, toujours, sur les informations biographiques de l’auteur·e. Ainsi, une personne née dans un pays dont les parents sont immigrants, mais qui n’a jamais mentionné appartenir à une telle minorité dans un pays n’apparaîtra pas.

Je constate qu’il s’agit probablement du plus grand biais dans mes lectures: je n’ai lu que 16,43% de personnes issues de ces groupes bien que je semble apprécier leurs ouvrages un peu plus que la moyenne. Il est impossible de calculer le pourcentage de « minorités ethniques et autochtones » dans le monde vu qu’il change drastiquement d’un pays à l’autre et qu’au final, il mesure des personnes différentes dans chaque pays, j’ai donc raffiné mes recherches en séparant les minorités canadiennes des étrangères. Le pourcentage s’améliore un peu donc pour ce qui est des minorités au Canada (on passe à 17,95%), mais on est encore plus ou loin du pourcentage réel dans la population canadienne: on compte 20,3% de « minorité visible » à Montréal, 1 personne sur 5, 11% au Québec et 19,1% au Canada (source). Aux États-Unis, ce chiffre monte à 27,6%. Je vais donc beaucoup plus activement rechercher les ouvrages issus de cette communauté en 2019 ayant failli sur ce point.

Intersection de minorités?

J’ai seulement lu quatre livres qui pouvaient être qualifiés simultanément dans les deux catégories précédentes: Living a Feminist Life de Sara Ahmed, La prochaine fois, le feu de James Baldwin, We’re Still Here: An All-Trans Comics Anthology (un collectif dont une partie seulement qualifiée à ce titre, mais quand même une bonne partie donc il est inclut) et La femme que je suis devenue d’Aimée Munezero. Ces quatre livres forment 1,88% de mes lectures de 2018, un pourcentage qui tomberait dans le 1-2% de la population qui qualifierait à cet égard, mais clairement très insuffisant pour une personne qui s’intéresserait à l’intersection des luttes. Ce sera un autre critère de sélection pour l’an prochain.

Qu’est-ce que je retire de l’expérience?

Outre la remarque que j’ai encore des biais dans mes lectures, je peux remarquer que si je ne cherche pas activement, encore plus que je ne le fait en ce moment, des livres issues de telles ou telle communauté ou de tel groupe marginalisé, ces livres ne s’imposeront, malheureusement, pas à moi tous seuls. Et ce, même si je travaille dans une librairie féministe, même si nous avons des sections spécialisées dans de tels enjeux et même si je suis très sensible à ces questions.

Ce n’est pas un constat « dramatique », je réussi probablement à avoir une moyenne beaucoup plus élevée que la majorité des gens (je ne dispose toutefois pas de statistiques pour comparer), mais force est d’admettre que je peux non seulement faire mieux, mais qu’en plus, c’est un effort que je dois doubler pour simplement balancer le fait que, tout au long de ma vie (et surtout dans ma vie universitaire), j’ai lu en très très vaste majorité des hommes blancs hétéro (et cis). Je n’ai pas encore analysé le contenu de ma bibliothèque (c’est un travail encore plus long que de le faire pour une année), mais peut-être suis-je proche d’une parité en terme de genre, mais je ne suis clairement pas proche de l’être pour tous les autres angles.

Bref, il faut que je recherche activement certains ouvrages pour l’année prochaine, je vais encore ne rien noter dans mon tableau avant la fin-décembre, ne connaissant seulement ce que je dois rechercher, pour voir si j’arrive à m’améliorer, mais si l’année prochaine ça n’atteint pas les pourcentages requis, je vais devoir commencer à effectuer le travail à mon quotidien.

J’encourage, en attendant, à voir vous-même la composition de vos lectures. Je vous partage même ma base de données pour que tous les calculs se fasse automatiquement de votre côté. Entre l’entrée de données et la recherche pour savoir si vos auteur·es se qualifient ou non dans telle ou telle catégorie prend toutefois beaucoup de temps (à 200 livres, j’ai probablement mis quelques heures, mais je compte la création de la base de données et la réflexion sur les critères à analyser dedans).

Je vous souhaite de bonnes lectures diversifiées pour 2019!

Retour sur les billets de 2017 et souhaits pour 2018

Retour sur 2017

Ce que je n’ai pas réussi en faire en quantité sur mon blog (plein de critique de livres et de listes), je crois quand même l’avoir réussi en qualité et haut la main parfois.
Je n’ai écrit que 6 billets cette année, mais tous très différents en contenu et trois d’entre-eux m’ont certainement pris beaucoup de temps à rédiger et à bâtir les outils nécessaires à leur création.

Premier billet (Social Justice Fantasy)
Une blague élaborée, mais quand même un peu sérieuse, sur les types de social justice warriors (SJW) s’inspirant très fortement des classes de personnages des RPGs.

Deuxième billet (Booktube n°1: Les Sorcières de la République de Chloé Delaume)
Ma tentative de me lancer dans les capsules vidéo de critique de livres
On verra si je retente ça l’an prochain, contrairement à la rédaction de critiques de livres, c’est très long, pour moi, de préparer, de filmer et de monter une capsule vidéo. L’échec d’une deuxième capsule vidéo (40 minutes de tournage qui a simplement donné des fichiers corrompus) n’a certainement pas aidé à me relancer là-dedans.

Troisième billet (Calculer l’absence de marginalités)
J’ai élaboré un outil de calcul statistique en .hmtl (ça m’a permis de me replonger très profondément dans mes mathématiques du cégep), mais j’ai surtout entamé une réflexion sur ce que j’appelle « le calcul de l’absence de marginalité »

Quatrième billet (Répartition femmes/hommes des prix littéraires francophones au Québec)
Des centaines d’heures de travail, peut-être un des billets dont je suis le plus fier· jusqu’à présent, un énorme recensement (qui sera annuel) des tous les prix littéraires québécois et de leur répartition femmes/hommes.

Cinquième billet (Répartition F/H des doctorats honoris causa décernés par l’UdeM depuis 1920 (rapport 2017))
Une mise à jour annuel de la répartition F/H des doctorats honoris causa à l’UdeM; j’ai aussi eu la surprise de voir qu’un groupe avait aussi fait celui de l’UQÀM cette année, j’attends avec impatience le reste des universités.

Sixième billet (Mini-critique : Bloodsilver de Wayne Barrow)
Une mini-critique sur ma lecture du livre de vampire Bloodsilver que je n’ai pas vraiment aimé et le pourquoi de cette réaction.

Du site Internet au blog

J’ai aussi fermé mon site Internet et fait migrer les bibliographies complètes de Françoise d’Eaubonne sur ce blog vu le traffic beaucoup plus élevé sur mon blog. Les consultations semblent avoir augmenté un petit peu, mais ça me permet surtout d’avoir tous mes textes au même endroit.

J’en ai aussi profité pour acheter le nom de domaine du blog.

Statistiques

Mes billets les plus populaires (au niveau des consultations) sont sensiblement les mêmes que les années précédentes.

En première place, l’analyse du poème Nuit Rhénane de Guillaume Apollinaire (2010) qui est clairement très recherché par les étudiant·es en période d’examen (pouvant parfois atteindre 50 vues/jour). Ce billet a reçu plus de 4000 vues cette année.

Ma pages archivant des chansons de manifestations féministes (2016) est en deuxième place et commence à être référée sur d’autres site Internet ce qui est toujours plaisant.

En troisième place, un billet explorant l’histoire du symbole féministe (2015), mon seul travail profond de recherches historiques (excluant les statistiques) et dont je tire une grande fierté.

Le quatrième billet le plus consulté est une liste de 20+ essais féministes incontournables (2015). Je voulais étendre cette recension à 50+ essais cette année, mais il faut croire que ça ira à l’année prochaine.

En cinquième place, La place des femmes dans la Pléiade (2015), un billet explorant l’absence des femmes dans la collection La Pléiade de Gallimard.

Mon billet publié cette année le plus populaire est celui sur la répartition femmes/hommes des prix littéraires francophones au Québec.

biscuitsdefortune.com c’est aussi 71 billets (incluant 34 analyses et critiques), 11 000 vues de pages cette année et 21 000 depuis sa création.

Souhaits pour 2018

Je réfléchis encore à ce que je ferais l’année prochaine, j’espère sincèrement pouvoir faire plus de critiques de livres (une par mois, serait-ce trop demander?), évidemment de continuer à mettre à jour mes bibliographies et mes billets annuels et peut-être trouver un moyen de publier les nombreux simulateurs financiers que j’ai créés depuis 2 ans (reste à voir comment je peux éditer le tout).

Il est possible que j’ajoute de nouvelles pages bibliographiques (autre que sur Françoise d’Eaubonne et la #ggi), mais c’est un travail long et ardu qui nécessite en plus d’être constamment mises-à-jour dans certains cas, nous verrons donc.