Audiences en vue du renouvellement du mandat du recteur

Dans la foulée des événements qui pourraient conduire au renouvellement du recteur Guy Breton à la tête de l’université se sont tenues des audiences où un comité fut chargé de recueillir des témoignages et textes des membres de la comité universitaire. Nous présentons ici notre humble contribution (il y avait une contrainte de temps de parole de 15 minutes, nous aurions pu écrire beaucoup plus):

«Audiences en vue du renouvellement du mandat du recteur.
Texte présenté devant le Comité de consultation le 13 janvier 2014.
Document préparé par Nicolas Longtin-Martel

Chers membres du comité,

J’aimerais commencer cette brève présentation en mentionnant tout d’abord que, bien que je puisse critiquer un système, les gens qui en font partie n’ont pas à se sentir visé par mon exposé. En effet, comme le féminisme nous l’apprend, il existe une différence entre devoir renoncer à ses privilèges et empêcher d’autres personnes d’en obtenir. J’introduis de cette manière car, j’aimerais aborder la question de la légitimité du processus de nomination du recteur, mais aussi ces «audiences en vue du renouvellement du mandat du recteur».

On vous aura sûrement déjà dit, ou on vous le dira au cours de ces séances, que nous sommes plusieurs à l’université de Montréal, à trouver que le processus de nomination du recteur est injuste et très peu représentatif de l’université. On me répondra à cela que le gouvernement peut, à juste titre, intervenir dans nos processus de décisions puisqu’il nous fournit quand même l’essentiel de notre budget, certes. On me répondra aussi que des acteurs extérieurs à l’université peuvent permettre d’avoir une vision que des acteurs internes à l’UdeM n’auraient pas, certes oui, et ils ne sont pas nombreux.

Cependant, le recteur est censé représenter l’UdeM, mais aussi de la diriger (du latin rector : celui qui dirige) bref, sa communauté, que ce soit les professeurs, chercheurs, chargés de cours, étudiants ou personnel. Quel ne fut pas la surprise alors lorsque Guy Breton fut élu recteur malgré un très faible support de la part des professeurs, je vous réfère là au scrutin indicatif tenu le 21 septembre 2009 et qui mettait Guy Breton en quatrième place, très loin derrière le favori Marc Renaud malgré le fait qu’il fut tout de même vice-recteur et que les professeurs devaient très certainement le connaître1. Plusieurs de ces réactions se sont retrouvées dans l’article «Guy Breton n’a pas d’amis» du Quartier Libre (vol. 17 n°13), je vous laisse le consulter.

Pour avoir déjà mentionné qu’un tel processus était à la limite du légitime pour gérer une institution comme la nôtre au principal intéressé lors du «Sommet de l’UdeM» en 2012 et me faire répondre que mon intervention était pertinente, je suis déçu de constater que le modèle de nomination du recteur n’a pas changé. Que pire encore, on ne semble pas être possible de voter de nouveau pour ou contre un futur recteur, que le processus de renouvellement est déjà entamé et que l’on doit assister à des audiences en vue du renouvellement du mandat du recteur pour faire part de notre mécontentement (ou non). Comme vous pouvez le constater, le nom donné aux audiences, qui débute par «en vue» ; bref, dans l’intention de, renouveler le mandat n’offre pas la possibilité de choisir, ni pour les professeurs, ni pour les étudiants, ni pour les employés. Je ne vous blâme pas du tout de faire partie de ce comité, au contraire, vous avez reçu des privilèges qui s’accordent très probablement aux qualités que vous possédez, nous ne pouvons qu’espérer que votre décision ou votre rapport sera juste et à la hauteur de vos fonctions et qu’elle reflétera ce qui aura été entendu.

On pourrait croire qu’un recteur élu a la confiance de son établissement d’enseignement, qu’il la garde et que de telles audiences n’ont pour but que d’accélérer quelque chose qui va de soi. Il y a quelque temps, j’aurais pu être d’accord avec cette idée. Cependant, quelques constatations viennent miner ce raisonnement.

La première est que le recteur n’est plus représentatif d’une part importante de l’université : les étudiants. En effet, ces derniers, à travers la FAÉCUM et leurs associations ont voté à majorité une position demandant la démission de celui-ci. Cette position n’a pas changé. Comment un recteur peut-il rester légitimement en place si ses étudiants sont contre sa présence? Certains pourraient me rétorquer que cette position fut votée pendant un moment chaud de notre histoire, je répondrais simplement que la position a été voté après la grève étudiante, certes suite à celle-ci, mais à un moment où la poussière, pardonnez l’expression, aurait dû retomber. Elle n’a fait que lever, le mécontentement est, encore, présent. Je vous invite à lire la lettre de Julien Stout intitulée «Sur la nécessité de faire démissionner Guy Breton» dans le Quartier Libre pour connaître plusieurs de ces raisons de demande de démission.

Je passerais rapidement sur le fait que les enseignants d’informatique et recherche opérationnels ont aussi voté pour sa démission. J’ai entendu parler d’au moins un autre département, mais je ne suis pas sûr de ce dernier. La crainte de représailles monétaire ou autre aurait aussi pu peser dans la balance de certains départements de ne pas voter de telles positions.

La deuxième constatation est que, même si le recteur peut se sentir légitime de continuer son mandat malgré les demandes de démission (une pétition sur Change.org2 a même recueilli 2 437 signatures!, je vous conseille d’aller lire certains des commentaires), nous avons l’impression que la reconduction de son mandat est une vitesse qu’il se permet alors que ses appuis sont très bas, pourquoi ne pas lancer un appel de candidature?

Parmi les autres constatations qui m’amènent à désirer sa démission, ou le non-renouvellement de son mandat, figurent le mépris qui semble afficher envers ses étudiants en général. Que ce soit lors de ses deux poursuites-injonctions contre la FAÉCUM (qui incluait l’interdiction de manifester autour de l’université! Dans quel monde vivons-nous si on empêche la manifestation d’une critique dans la cité où cette critique doit au contraire surgir! Et où l’un de ses avocats comparait l’université à un centre d’achat pour que la même sanction soit appliquée que l’affaire Dupond v. La ville de Montréal où on avait interdit les manifestations dans un centre d’achat3), de certains de ses propos, je cite le plus choquant à mon avis : « On est en train de mettre à feu et à sac la province pour 1$ par jour d’augmentation 4», de sa considération des étudiants comme des clients5 ou des cerveaux modulables (oui, j’ai lu la réplique de Guy Breton dans le Devoir et elle ne fait que confirmer qu’il ne veut pas développer l’esprit critique, il réitère que les «cerveaux doivent correspondre aux besoins des entreprises6» sans vraiment de nuance), qu’il préfère, au Sommet de l’éducation du PQ de l’an dernier, parler avec la fédération étudiante TACÉQ qui n’a aucun membre à l’université de Montréal plutôt que de parler avec la CLASSE dont plusieurs des représentants étaient de l’UdeM et lui avaient fait signe de vouloir discuter avec lui, etc. Je rappelle qu’avant même d’être élu recteur, il avait déjà refusé des entrevues avec le Quartier Libre et que par la suite, il n’a pas hésité à en refuser de nouveau en pleine grève étudiante. Il a cependant daigné accorder une entrevue pour faire la promotion de sa modulation l’an dernier. Bref, il semble vraiment éviter tout débat d’idée. Oui, je suis allé à ses dialogues du recteur, et à l’exception de belles répliques, il n’y avait aucune volonté de dialogue : s’il y avait une qualité que je donnerais au recteur, ce serait celle de pouvoir faire des traits d’esprit.

D’autres considérations encore surviennent lorsque je pense qu’il défend avec beaucoup de verve la modulation des frais de scolarité alors que personne ne lui demande de le faire et au risque de se faire valoir «chaque fois une jolie volée de bois vert7» selon ses propres dires. Il l’aura défendu au Sommet de l’éducation du PQ [N’était-il pas supposé représenter les valeurs universitaires en tant que recteur comme il l’annonçait dans La Presse, «Mais j’irai au Sommet principalement pour défendre la position de l’Université de Montréal sur les quatre thèmes proposés par le ministère.8» plutôt que de se dire «j’y contribuerai avec énergie pour défendre ma vision de l’enseignement supérieur et de la recherche au bénéfice de tout le Québec.9»], devant la reddition de compte au gouvernement10, à La Presse11, etc. toujours avec l’autorité de recteur et rarement à titre individuel. Il dit représenter l’université, mais ce n’est pas vrai, les étudiants sont contre (comme en témoigne notamment les communiqués de presse de l’association de médecine12).

C’est avec ceci, bien que je pourrais continuer longtemps en parlant de l’affaire du 1420 (dont j’espère on vous reparlera), de sa vision clientéliste et entrepreneuriale de l’université, de l’anti-émeute au sein de notre université, le fait que la déclaration annuelle se fait sans publique maintenant (et donc, sans période de questions, bravo pour l’esprit critique), etc. que je conclurais. Membres du comité, j’espère que vous comprendrez notre frustration face au fait que cet homme puisse parler en notre nom tout en nous mettant la main sur la bouche. Guy Breton représente peut-être quelqu’un à l’université autre que lui-même, mais ce ne sont pas les étudiants, … ce ne sont pas les professeurs … et je doute fort que ce soit les membres du personnels. Je suggère donc d’empêcher sa réélection car, M. Breton n’a pas la légitimité d’être recteur de notre université.

Merci de votre attention.»

P.S.: Après la présentation, la présidente Louise Roy nous a fait remarquer à juste titre que le scrutin indicatif des professeurs se tenaient tout de suite après l’annonce des différents candidats et avant tout débat d’idée. C’est une information dont nous n’avions jamais pris connaissance. À cela, on réitérera que Guy Breton, arrivé quatrième, était déjà bien connu des membres de l’université puisqu’il était vice-recteur contrairement à certains autres candidats qui ont obtenu de meilleurs résultats. Nous conseillons aussi, à l’avenir, au syndicat des professeurs de tenir un débat ou de patienter avant de tenir un tel scrutin, nous sommes navrés qu’un tel vote se tient dans un certain aveuglement.

1 scrutin élection recteur (21 septembre 2009)

5 La perte du statut de métropole universitaire, Journal de Montréal, 8 février 2013

8 Pourquoi j’irais au Sommet, La Presse, 22 février 2013

Recteur Breton : mode d’emploi – La modération

La modération

Guy Breton appelle à la modération car, en effet, il ne faut pas dépasser les bornes! Il disait : «La modulation a bien meilleur goût», nous pensons qu’il a consommé ce slogan de manière frénétique et qu’il finit par lui sortir du nez parce qu’il peut fulminer parfois sur des enjeux qui le touche plus personnellement. Cependant, il se calme assez rapidement et préfère effectuer table rase sur ce qui s’est passé. «Le passé est derrière nous», «On ne revient pas sur le passé» sont parmi les phrases qu’il a prononcé souvent lorsque nous sommes allé à un des Dialogue avec le recteur le 8 mai 2013. Breton veut travailler et influencer l’avenir.

En effet, dans sa déclaration annuelle de 20121, Breton désire tourner la page le plus rapidement possible sur l’entrée de l’anti-émeute (qui prend le nom de «force policière» dans ses mots, «force de l’ordre» sur le diaporama) :

«Cette page de notre histoire n’est glorieuse pour personne… pour personne. Je crois cependant parler au nom du plus grand nombre en disant que nous voulons tous la tourner, au plus vite, et regarder en avant.2»

ou encore :
« Il faut être capable de tourner la page.7»

«Je crois parler au nom de tous en affirmant que le temps est venu de tourner la page. 3» (juste avant de conclure en exerçant le souhait de se hisser plus haut dans les palmarès : «Ce que je souhaite, c’est que l’UdeM conserve sa place dans l’élite des universités de renommée internationale.  »)

Bref, l’épisode est refoulé au rang de mauvais souvenir. C’est, en regard de nos recherches, la seule fois qu’il commentera directement l’événement. Son appel à aller de l’avant, sa fuite en avant, semble en découler.

Une autre occasion où nous avons pu observé ce désir de fuite, mais aussi de modération fut lors de la rencontre intitulée «Réflexions et échanges sur l’enseignement supérieur à l’UdeM» où il mentionne à plusieurs reprises que l’événement doit se dérouler dans le calme et le respect (nous en convenons, mais au bout d’un moment, se le faire marteler de la sorte devient un peu paternaliste à notre avis). Ces appels à l’ordre se sont aussi réitérés à la fin de la rencontre alors que tout allait très bien.

Cette marque de modération se perd toutefois dans les remarques qu’il fait en parlant du «Salon des demandes juvéniles 4» ou encore par l’emploi du terme «crise étudiante» dans son billet ou ses messages au public ou à la communauté5.

Nous ne voulons pas que Guy Breton se transforme en un robot froid et vide d’émotion, nous aimerions plutôt lui demander de cesser le refoulement et de nous expliquer, à nous, à notre communauté ce qui l’enflamme tant dans la grève étudiante. En effet, il dira à La Presse à propos de la #ggi : « «Il va falloir que la population le sache. On est en train de mettre à feu et à sac la province pour 1$ par jour d’augmentation.6» Une expression d’enflure verbale extrêmement graphique qui évoque, plutôt que des manifestations, une guerre et du pillage et n’appelle certainement pas à prendre du recul face à ce qu’il se passe. La modération ne s’applique pas qu’aux autres et ne sert pas à camoufler des actes qu’on aimerait oublier, aussi tragiques, aussi regrettables sont-ils. La voie vers l’avenir passe par le passé et la compréhension de ce que l’on a fait afin de mieux s’orienter et d’éviter de (re)faire les mêmes erreurs.

La modération a bien meilleur goût? Pas si elle est avalée de travers.

2 Idem
5 Notamment cette utilisation du mot crise tout seul dans son message à la communauté : http://www.recteur.umontreal.ca/messages-a-la-communaute/article/une-rentree-hors-de-lordinaire-1/, sans compter l’emploi du mot boycott.

Recteur Breton : mode d’emploi – Le modèle

Le modèle

Guy Breton aime se hisser aux S/sommets qui se dressent devant lui, et c’est tout à son avantage et à celui de l’université. Il devrait cependant se garder de prendre les collines pour des montagnes et les escalader ainsi n’importe comment, et avec n’importe quel équipement!

Nous l’avons déjà mentionné ailleurs1, Breton ne prend que les modèles qui l’intéressent, soit le modèle nord-américain, voir un peu celui chinois, celui de la modulation au détriment d’autres qu’il délaisse à l’aide d’un seul argument généralement simplet et réducteur. En fait, ce qui l’intéresse surtout, c’est de former l’élite «En France, l’université est gratuite, mais dans les grandes écoles, qui sont les véritables lieux de formation de l’élite2», objectif louable en soit, mais qui se fait au détriment de l’éducation à tous les niveaux.

Notre propos veut cependant se recentrer sur la forme de modèle que l’université prend chez Breton. Pour lui, être un modèle, c’est se hisser au rang des palmarès. Nous citerons les nombreux rappels, insistances à laquelle Breton vante le mérite de se classer parmi les meilleures universités au monde, d’abord dans son carnet3, mais aussi dans les budgets de l’UdeM4 car, malgré son avertissement, «Car c’est la principale leçon de ces classements : la qualité de l’éducation est chose éminemment relative 5», on peut se demander s’il prend vraiment ses distances par rapport à la chose. Ces modèles sont là pour être surmontés, mais Breton le prend autrement, lorsqu’il compare l’Université de Montréal à celle de la Colombie-Britannique : « Je suis en compétition avec l’UBC [Université de la Colombie-Britannique] et j’ai 25 % de moins. Ce n’est pas vrai que je vais pouvoir continuer à avoir le même succès 6».

Se hisser au Sommet signifie aussi s’y hisser seul. Breton, au sommet de l’éducation n’était-il pas supposé représenter les valeurs universitaires en tant que recteur comme il l’annonçait dans La Presse, «Mais j’irai au Sommet principalement pour défendre la position de l’Université de Montréal sur les quatre thèmes proposés par le ministère.7» plutôt que de se dire «j’y contribuerai avec énergie pour défendre ma vision de l’enseignement supérieur et de la recherche au bénéfice de tout le Québec.8» au risque de parler de modulation tout le long. Ce sommet n’en était d’ailleurs pas uns diront beaucoup, dont Breton qui le qualifiait de «Salon des demandes juvéniles 9». Bref, en terme de modèle de respect, le recteur n’est pas à son meilleur lorsqu’il s’agit de proposer un véritable modèle, une voie à suivre puisqu’elle suit uniquement celle du budget et non de la qualité d’enseignement.

Voici d’ailleurs un échantillon de ce qu’est la qualité pour Breton dans une recherche du mot à travers tout ses billets de carnet (sont écartés les noms d’organisme comme le «Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur » ou l’occurrence du mot sans rapport avec l’université) :

– «Qu’est-ce que la productivité ? C’est produire un bien ou un service, de la meilleure qualité possible et au meilleur coût possible.10»,

– «la qualité de l’éducation est chose éminemment relative. 11»,

– «Je me réjouis de voir que la qualité des candidatures que nous recevons est en hausse.12»,

– «il manque 25 % de ressources financières, soit 200 millions de dollars, pour offrir la même qualité de services 13»

Pour un modèle de qualité, on a un modèle de qualité d’entreprise, pas d’université. Sans vraiment savoir de quoi il en retourne plus que cela.

4 Budget Udem 2013-2014, p.3

Recteur Breton : mode d’emploi – Le modelage

Le modelage

« « Les cerveaux doivent correspondre aux besoins des entreprises ». Dieu sait si l’on m’a reproché cette affirmation ! Plusieurs y ont vu l’expression finie de l’inféodation de l’université au secteur privé et m’ont accusé d’être le chantre de la marchandisation du savoir. J’ai déjà eu l’occasion de m’expliquer ailleurs à ce sujet.  1»

En effet, dans une lettre au Devoir le 17 novembre 20112, Guy Breton répond aux auteurs, Éric Martin et Maxime Ouellet, en expliquant qu’aujourd’hui «Plus de 99 % de nos étudiants vont gagner leur vie à l’extérieur de l’université et donc, pour le plus grand nombre d’entre eux, en entreprise. […] En cela, je réitère que les cerveaux doivent répondre aux besoins des entreprises. Mais de la même manière, on aurait pu dire pour d’autres domaines d’études que les cerveaux doivent répondre aux besoins des patients ou aux besoins des enfants. »

Nous croyons que Breton a mal saisi les propos des auteurs. En effet, ceux-ci ne parlent pas de couper les ponts avec les entreprises, ni empêcher les universités d’être utiles (accusation que Breton semble sous-entendre), mais plutôt que ce genre de partenariat n’est pas profitable ni pour les universités, ni pour l’État autant au niveau de la production de savoir que du coût de telles activités.

Nous pensons aussi que de poursuivre le débat du coût n’est peut-être pas le meilleur pour comprendre à quel point l’expression « Les cerveaux doivent correspondre aux besoins des entreprises » (et sa réitération aussi) est horrifiante. Le but d’un cheminement universitaire n’a pas comme simple visée de répondre à un besoin extérieur (marché, patients, enfants), mais aussi de favoriser une réflexion critique, citoyenne et oui, après, cette dernière peut être utilisée pour aider les patients et enfants c’est génial (vraiment super génial même) ; le marché, on s’en reparlera… Toutefois, imposer la contrainte, le modelage des cerveaux empêche l’épanouissement de cet esprit critique. La contrainte, l’étau de la rentabilité ou de l’utilité s’oppose au développement d’une pensée plus large puisqu’elle se renferme dans sa seule quête de la résolution d’un problème et non du questionnement du problème lui-même. Il faut savoir poser le problème pour y résoudre, faire correspondre un cerveau à quoi que ce soit, en plus de le réduire à un simple outil qui règle un problème ponctuel et nier toute l’individualité de la personne derrière ne sert à rien.

Recteur Breton : mode d’emploi – La modulation

La modulation

Guy Breton est un fervent partisan de la modulation des frais de scolarité et il ne s’en cache pas pour en parler (voir sa série de billet : La modulation a bien meilleur goût, Modulation et accessibilité : une question d’équilibre), en parler1 et en parler2. Ses sorties publiques sont souvent critiquées3 (aussi de son propre aveu: « Ce n’est pas la première fois que je me prononce sur cette question, ce ne sera pas la dernière non plus, même si cela me vaut chaque fois une jolie volée de bois vert. »4). Quelle est la logique derrière la volonté de Guy Breton pour vouloir autant moduler?

D’abord, parce que c’est la norme «La modulation est la norme partout en Amérique du Nord.»5 et que l’État module déjà ses subventions en fonction du programme. Nous sommes consciencieux qu’un étudiant en médecine (l’exemple généralement employé) doit disposer d’équipements, de locaux et d’une formation qui coûte plus cher que les étudiants en lettres (son «opposé» généralement employé). Breton avance le chiffre d’un coût, et nous lui faisons confiance, de dix fois plus élevé. Les partisans à l’égalité des frais de scolarité expliquent généralement qu’un tel éparpillement découragerait, études à l’appui, les moins fortunés de notre société à aller en médecine.

À cela, Guy Breton ne répond jamais. Son argumentation dans les deux billets au titre à saveur Éduc’alcool, «La modulation a bien meilleur goût», reprennent toujours le propos comme quoi la modulation est la norme, nous sommes l’exception et par conséquent atypique. Soit.

Dans ses billet, «Modulation et accessibilité : une question d’équilibre», il avance toutefois le fait que des frais de scolarité égaux pour tous ne seraient pas un réel facteur d’accessibilité. Il avance que, selon un rapport du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur6, le taux de fréquentation de l’université est beaucoup plus élevé dans les provinces modulées chez les étudiants dont la famille fait moins de 25 000$.

Le problème est que l’on compare deux systèmes différents (critique qu’il nous adresse aussi).

Voilà, l’Ontario possède une année de secondaire de moins que le Québec, en échange, ils ont une année de plus d’université. Ils n’ont pas de cégeps non plus. Certaines études québécoises montrent que si on incluait les techniques et la formation cégepiale dans les chiffres, le Québec dépasserait le taux de diplomation post-secondaire de celui de l’Ontario. En effet, avec un an en moins de secondaire et pas de cégep, quelle vision d’avenir, quelle éducation de qualité pourrait avoir le jeune sans un tel diplôme universitaire?

Bref, c’est un argument à repenser que celui-ci.

Breton ne s’arrête pas là cependant, il continue l’argumentation de la modulation avec «Le dernier argument qui plaide en faveur de l’adoption d’une grille de droits de scolarité différenciés, c’est l’équité entre étudiants. Je n’ai jamais compris pourquoi un étudiant en philosophie doit payer l’équivalent de 40 % du coût de sa formation, alors que son camarade de médecine n’en paie que 8 ou 10 %. Il y a là une logique qui m’échappe. 7» Voilà une argumentation dont la logique nous échappe. Le revenu moyen des étudiants se situant majoritairement entre 5 000 et 15 0008 pour 57% d’entre-eux, une différence de frais comme celle que l’on constate dans les universités canadiennes est énorme pour l’étudiant. Ainsi une formation coûtant 16 910$ en médecine dentaire par rapport à une formation en éducation de 4 006$9, semble considérable pour la majorité qui ne gagne même pas cela dans une année (surtout que chez 63% des étudiants, il y a une dépense logement à prendre en compte qui lui coûte près de 543 $ par mois10). Question équité? Nous pensons que l’équité passe par l’État qui redistribue l’argent une fois obtenu plutôt que durant une période de vaches maigres pour les étudiants (l’université) où l’endettement se retrouverait inévitable car, si l’obtention d’un emploi est inévitable, le temps consacré aux études variera en fonction du nombre d’heure qu’ils devront travailler.

5 Idem